jeudi 25 septembre 2008

Adam Greenfield : Quand les espaces urbains du futur posent problèmes

En direct (avec un peu de différé) de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

On ne présente plus Adam Greenfield, l’auteur d’Everyware, dont nous avons l’habitude de citer les travaux. L’avenir de nos villes reposera sur de nouveaux modes de perception et d’expérience basées sur les données temps réel et le retour des utilisateurs. A quoi ressemblera la cité connectée pour ses utilisateurs ? Comment va-t-elle transformer le sens de nos métropoles ?

Demain, nos objets et nos interfaces vont sentir, calculer, afficher, recevoir, stocker, transmettre et avoir des actions physiques sur l’information, explique Greenfield. Mais est-ce que cette perspective va décrire une réalité ou est-ce de la science-fiction ?

Adam Greenfield évoque quelques réalisations qui existent déjà, notamment les projets Coréens : le quartier d’u-Cheonggyecheon ou bien sûr la ville ubiquitaire New Songdo, une ville où tout ce qui y passe est tracé, jusqu’aux canettes que vous jettez dans les poubelles.

Le problème bien sûr, c’est que ces projets partent de la technologie plutôt que du désir des hommes. Ils ratent les vrais questions que cet avenir nous pose. Mais comment réagirions nous si nous vivions dans de tels espaces ?

Pour cela, il faut déjà regarder les usages actuels des gens, de leurs objets technologiques "souverains". Quand ils téléphones, les gens se créent des cocons de communication dans les lieux publics pour s’isoler. Dans une ville où tout est connecté, comment allons-nous nous replier sur nous-mêmes ? Si l’information tombe sur nous comme la pluie, nous faudra-t-il des parapluies ? Quand on regarde comment nous choisissons de faire nos actions dans la ville, nous devons constater qu’ils ne sont déjà plus physiques, mais qu’ils dépendent déjà des objets que nous utilisons. D’où l’idée des concepts de Long Here et Big Now ...

Le concept de Long ici (Long Here) qu’il développe, fait référence au Big Here de Kevin Kelly, c’est-à-dire au fait que désormais, où que vous viviez vous êtes un petit point imbriqué dans un espace plus grand. Mais pour Greenfield, c’est bien de Long Here dont il parle, fait référence à l’ancrage, à la persitance d’un historique de tout lieu qu’on traverse. Chaque lieu, spécifié par ses coordonnées possède désormais une profondeur dans le temps. Le meilleur exemple qu’on puisse en donner, ce sont les photos géotaggées qu’on accumule sur Flickr, capable de donner un véritable historique des lieux où l’on passe. Avec des cartographies sur la criminalité, comme Oakland CrimeSpotting, vous avez accès à l’historique de la criminalité d’un quartier, d’une rue, d’un immeuble.

L’autre concept qu’il évoque, le Gros maintenant (Big Now) fait référence à la Long Now Foundation, qui veut regarder notre évolution culturelle sur le très long terme. Le Big Now auquel nous sommes de plus en plus confronté en est exactement l’inverse : les données en temps réel montrent le présent et la réalité tangible de la ville. Avec Twitter, je sais sur l’instant ce que fond mes amis le samedi soir. Ce qui induit une expérience différente qui influe sur mes choix, qui influe sur l’offre des possibles. L’immédiateté est parmi nous explique-t-il en évoquant le fil Twitter du Pont de Londres qui envoit des messages automatiques dès qu’il s’ouvre ou se ferme, ou en évoquant le New York Talk Exchange du Senseable City Lab du MIT qui montre les échanges de télécommunications en temps réel entre New York et le reste du monde.

Reste que la ville ubiquitaire est déjà là. Mais elle pose dès à présent des problèmes : Comment allons-nous pouvoir nous protéger des systèmes de surveillance ? Comment résoudre un problème de GPS quand celui-ci ne délivre plus certains plans ? Dans certaines villes européennes, il devient commun d’équiper sa voiture d’un passe RFID qui permet d’accéder à certaines rues dont l’accès est commandé par des plots rétractables. Mais que se passe-t-il quand un système de ce type défaille, insiste Greenfield en montrant l’exemple d’une voiture (équipée pourtant de la puce et ayant un accès autorisé) dont le passager à été tué par un plot qui est brusquement remonté. "Quel support technique appelez-vous quand un système de ce type casse ?"

A l’heure où nos espaces urbains commencent leur transformation, apparaissent des espaces "furtifs" (qui ne peuvent pas être trouvés), "glissants" (qui ne peuvent pas être atteints), piquants (qui ne peuvent pas être confortablement occupés), "croustillants" (qui ne peuvent pas être saisis), "nerveux" (qui ne peuvent pas être utilisés sans être sous surveillance) pour reprendre des termes qui font références aux travaux de l’architecte-géographe Steven Flusty (que nous évoquions dans ce billet), auquel il ajoute le terme "brumeux"pour décrire des espaces qui ne peuvent être cartographiés ou qui n’existent pas sur votre GPS.

Autant d’espaces qui deviennent importants au moment où nous commençons à visualiser l’espace urbain en terme de données, en couches de données. Au moment où l’espace devient adressable, ou l’on peut écrire dessus, ou l’on peut faire des requête dessus, nous pouvons imaginer faire des choses étranges. Que se passera-t-il, nous lance-t-il en évoquant le projet Pervasive Time Square, quand les panneaux d’affichages de Time Square commenceront à avertir certains piétons qu’ils doivent prendre un taxi immédiatement s’ils ne veulent pas rater leur vol pour la Jamaïque ? Ou quand ils vous laisseront savoir que la police sait que votre voisin porte une arme et qu’ils le surveillent ? "Je ne suis pas sûr que ces espaces soient très confortables".

Certes, le processus de l’information se dissolve dans nos comportements (on passe sa carte de transport dans son sac, sans plus s’en appercevoir). Cela permet d’imaginer de nouvelles interactions avec une cité qui répond au comportement de ces habitants.

Pour conclure sur une version plus optimiste, il nous invite à passer d’un urbanisme où l’on navigue à un urbanisme où l’on cherche (browse urbanism to search urbanism) où nous trouverons peut-être les moyens d’atteindre les différentes expériences que nous attendons de la ville. A quoi ressembleront-elles demain ? C’est à nous, designers et citoyens, de le dire.

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