jeudi 25 septembre 2008

Citizen Media : quels modèles économiques pour les médias dont les contenus sont générés par les utilisateurs ?

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Sander Limonard, consultant pour TNO, nous interroge. Y’a-t-il un modèle d’affaire viable pour les médias citoyens ? (voire une ancienne version de sa présentation)

Que sont les médias citoyens ? Les médias citoyens sont des plateformes basées sur des contenus générés par les utilisateurs qui apportent une valeur publique ou sociale. Et de citer bien sûr YouTube, LastFm, Tivo, Vcam, MySpace... La valeur se fait sur le rôle des utilisateurs qui peuvent publier, critiquer, recommander, programmer ou surfer.

Dans le cadre des modèles économiques des contenus générés par l’utilisateur, ceux-ci ressemblent à la longue traîne. Le contenu professionnel original, la niche, correspond bien souvent au pique de la Long Traîne. Alors que les contenus générés par les utilisateurs à la queue. Reste pour la plupart des projets à trouver leur point d’équilibre économique qui est bien souvent entre les deux.

Les modèles de revenus sont nombreux :
- micro-publicité (YouTube, LiveLeak),
- affiliation (ZiZone, Tubantia Haaksbergen),
- meilleurs ventes (qualifier le contenu et le vendre, comme sur Revver, Mimoa),
- services premium (Habbo Hotel, Hyves),
- dons (les membres investissent, comme Wikipedia, Sellaband),
- le sponsoring (Nationale Burendag),
- focus sur le talent (revenus indirects) comme Popstar, Islandoo, Stoggi
- la loyauté des consommateur (pas de revenus, mais permettre aux gens d’interagir avec votre marque : Viacom, Kentucky FriedChiken).

Mais tous ces modèles ne sont pas adaptés aux UGC. YouTube a atteint une taille critique (80 % du marché de la vidéo partagée en ligne, 70 000 upload par jour), mais ont connaît ses difficulter à rendre son service rentable, à établir un partage des droits clairs, toutes les vidéos ne sont pas adaptées à supporter la publicité et le risque est de faire fuir les créateurs de contenus populaires qui ne sont pas suffisamment payés. On voit bien que ce n’est pas la meilleure stratégie en terme de modèle d’affaire.

Il faut trouver la bonne épaisseur de la traîne, explique-t-il. Et d’évoquer I-Report de CNN, un site qui permet aux internautes de publier de l’information non filtrée. i-Report, est la un moyen pour CNN de stimuler les internautes à publier du contenu de qualité en promettant aux meilleurs d’être publiés et diffusés sur CNN, ce qui assure une réelle visibilité et une certaine loyauté des contributeurs. Certes, comme on le voit toujours, seulement 1 % de la communité apporte véritablement de la valeur exploitable, ce qui suffit à CNN pour rendre le modèle d’affaire soutenable. CNN n’en tire pas de revenus directs, mais c’est une façon intéressante d’exploiter sa communauté. Autre exemple intéressant à creuser : Burendag, un site néerlandais dont le but est de stimuler les communautés locales à prendre des initiatives citoyennes de voisinage. Bien sûr, dans le flot de sites de ce type qui se développent, qui nécessitent du temps pour trouver leur modèle, tous ne résisteront pas, comme le montre la fermeture de Skoeps, un site de partage de photo allemand.

Pour Sander Limonard, hormis quelques rares plateformes globales, les business modèles fondés uniquement sur les UGC originales n’existent pas. La combinaison de contenus UGC et professionnels sont une solution plus vivable. Les modèles d’affaires pour l’UGC sont coûteux. La plupart implémentent des modèles de revenus mixtent pour couvrir leurs couts. Le défi est de trouver la bonne niche et de créer un double voie de dialogue entre les pro et les amateurs.


Edgar Franzmann travaille lui à NetCologne, une compagnie de téléphone allemande régionale qui emploi quelques 750 personnes et réalise 300 millions d’euros de chiffre d’affaire par an. Avec Koeln.de, le site officiel "pour" la ville de Cologne, ils sont les leaders des sites régionaux allemands (2 millions de visites mensuelles) – dont ils développent une version béta plus participative. Depuis longtemps, ils s’intéressent à la participation : ils ont lancé une communauté de tchat de forums dès 2002, on fait une expérience de blogs qui n’a pas marché et ont mieux réussi avec bz.Koeln.de, un site où les internautes publient leurs histoires avec l’aide de professionnels qui retravaillent leurs contenus. En voyant le succès de YouTube de portails vidéos nationaux comme Clipfish.de ou MyVideo.de lancés par des groupes médias allemands, ils ont eu l’idée de lancer un portail UGC régional couplant vidéos et photos. Pour NetCologne, l’opération avait pour but de développer des moyens d’intégration de contenus multimédias multisites, d’offrir une plateforme pour d’autres producteurs de contenus professionnels de la région, innover en trouvant de nouveaux modèles publicitaires et acquérir une expérience dans ces nouveaux types de médias. C’est ainsi qu’ils ont développé Rheinvideo.de, un portail de partage vidéo et photo régional autour de la région de Cologne et du Rhin, symbole unificateur de la région.

Reste à savoir comment réussir à faire de l’argent avec un tel portail. Et d’expliquer que la pub vidéo est évidemment mieux payées (10 fois plus que de la pub normale) (voir les slides de sa présentation .pdf). Reste que pour réussir son modèle économique, Franzmann doit développer des vidéos professionnelles. Pourquoi ? Parce que les vidéos pro ont une audience beaucoup plus fortes que les vidéos personnelles. Les vidéos personnelles ont tendance à générer de 10 à 100 vues en moyenne, alors que les vidéos professionnelles totalisent plus de publiques et peuvent plus facilement recevoir de la publicité. D’où le travail qu’ils réalisent depuis, en développant des partenariat régionaux avec d’autres fournisseurs de contenus régionaux comme des télés locales (Center.tv ou calli.tv) ou des radios (comme domradio.de, un programme religieux dont la dernière vidéo a totalisé 5000 vues sur rheinvideo alors qu’elle n’arrivait pas à 1000 vues sur YouTube). Une coopération qui n’est pourtant pas toujours bien vue d’autres médias locaux qui y voient une concurrence et le développement d’un monopole.

Pour lui, l’avenir est de réussir à faire de RheinVideo une marque régionale, et de développer leurs programmes pour le mobile ou via la télé par Adsl.

Autre exemple, plus orginal de média de niche, celui de MiMOA, My Modern Architecture, lancée par deux jeunes architectes qui avaient du mal à trouver des contenus en ligne sur l’architecture. Le site propose aux internautes de partager des photos ou des projets de bâtiments architecturaux originaux, en les géolocalisant. La communauté peut voter pour signaler ses préférences. Le site a recueilli quelques 3000 contributions depuis un an, et de nombreux architectes n’hésitent pas y exposer leurs projets. Les créatrices souhaitent développer des partenariats avec des guides touristiques, des médias et souhaitent développer des profils professionnels payants pour les agences d’architecture.

Mais le projet le plus stimulant, à mon goût, a été celui présenté par Marc Miletich de Sonovista, une société d’accompagnement de projets vidéos autrichienne qui a plusieurs projets de médias sociaux en vidéo : comme St Anna, un projet de télévision pour un hôpital, ou School Pirate.tv, un concept de télévion pour les jeunes. Mais ce n’est pas ceux-ci qu’est venu présenter Marc Miletich. Il est venu nous parler d’Engerwitzdorf, une petite communauté rurale autrichienne de quelques 8000 habitants, reliant une trentaine de villages (sans ville centre), une communauté dortoire à proximité de Linz, à la population en forte croissance. L’idée du projet était d’apporter un outil qui brise l’isolement d’une communauté éclatée et de construire une plateforme qui permette de réintroduire de la cohésion sociale. Pour cela, ils ont créé une télé locale, accessible via le câble. Ils ont créé des ateliers pour motiver la communauté et les accompagner dans la réalisation de films. Ces amateurs ont produits des contenus visiblement étonnants, éloignés des productions habituelles que l’on trouve sur les sites de partage vidéo. On y trouve des reportages, des vidéos sur les évènements réalisés par les associations locales, et des vidéos sur la nature et les voyages, sur les évènements sportifs et même quelques films expérimentaux. Au total quelques 70 heures de contenus locaux ont déjà été produits avec des films d’une durée de 8 minutes en moyenne.

Miletich pense qu’on verra fleurir des initiatives similaires un peu partout en Europe bientôt. L’orginalité de sa démarche est de vouloir prendre le contenu généré par les utilisateurs au sérieux. Certes, ce business n’est pas rentable prévient-il. Il s’appuie sur une petite communauté d’acteurs (en l’occurence, un club vidéo avec 5 retraités très actifs, qui drainent l’énergie des autres membres de la communauté locale, et qui les pousse à produire, confie-t-il). Conscient de ses limites, Marc Miletich n’en clame pas moins que le futur de la télé est social ! A voir son expérience et la qualité des quelques reportages qu’il a montré, on voudrait le croire.

Plusieurs des projets présentés sont financés dans le cadre du projet de recherche européen IST Citizen Media, un programme de recherche qui souhaite accompagner les initiatives en la matière, permettre aux utilisateurs de créer des applications en réseau et des expériences avec les contenus générés par les utilisateurs.

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