vendredi 26 septembre 2008

L’internet des objets : des outils pour hackers ou une véritable opportunité d’affaire ? (2e partie)

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Tester toutes les interactions
Matt Cottam est le président de Tellart, un studio et un laboratoire de recherche autour du design de l’expérience humaine, qui s’intéresse au "basculement" de nos interfaces, qui souhaite mettre du tangible, de la réaction dans nos objets électroniques comme le font déjà nombre de nos objets. Matt présente plusieurs vidéos d’ateliers réalisés par exemple avec l’université de design d’Umea en Suède ou avec l’Académie centrale des arts de Pékin... (les vidéos sont accessibles sur le site de Tellart, que je vous invite à visiter en profondeur). Il explique l’importance qu’il y a à "cracker" les objets pour leur donner des dimensions supplémentaires, pour comprendre comment ils fonctionnent, les détourner ou retrouver leur sens premier une fois augmentés d’électronique. "Plus transparents les objets deviennent, et plus intéressants et capables d’interactions ils sont". Il évoque longuement le travail de son équipe sur un simulateur médical, qui a consisté à recréer un mannequin pour développer les interactions possibles. Il évoque encore son travail sur des interfaces tactiles plutôt amusantes comme des coussins qui permettent de donner des coups à des avatars ou des plateaux qui mesurent votre consommation d’eau via votre verre et mettent en veille votre écran si vous ne buvez pas assez, des chaussures pour commander un jeu, une éponge souris... voire encore le Horsepower Challenge qui a consister à hacker un simple podomètre pour créer un jeu interécole consistant à encourager les élèves à avoir un style de vain plus sain pour leur santé. Le site de Tellart grouille visiblement d’idées, superbement mises en scènes. N’hésitez pas à vous y perdre.

Ombres et manifestations des objets
Mike Kuniavsky, chercheur en design d’expérience, est lui aussi à la tête d’un studio de design, ThingM. Pour lui, quand les objets deviennent connectés, leur nature fondamentale change : ils existent à la fois dans le monde réel et dans le monde des données et ces deux qualités couplées modifient profondément leur conception.
La capacité de calcul devient le matériel sur lequel nous devons travailler, parce qu’il n’est plus précieux, mais au contraire, facile à produire. On est capable de mettre des ordinateurs partout, même dans un four... Reste à concevoir les interfaces explique-t-il en racontant la difficulté qu’il a eu à faire fonctionner un four connectable (interface web non accessible, multiples manipulations via son téléphone, etc. Et oui. Les règles du jeu de nos objets sont encore bien souvent trop compliquées à utiliser.

Mais il n’y a pas que les interfaces qui posent problème. Une autre difficulté que l’on rencontre avec l’internet des objets est leur identification. Car les objets ont désormais deux existences : une existence physique et une existence virtuelle (qui implique par exemple des relations sociales propres). Hors, quand je m’adresse à un objet, sais-je toujours auquel ? Est-ce que je m’adresse à cette bouteille ou a son ombre ? Est-ce que ce sont les mêmes ?

On est au début des mashups entre le monde physique et le monde "virtuel" explique-t-il Reste à savoir quels scénarios construire autour de ces croisements d’informations, quelles informations augmentées mettre dans l’ombre de nos objets ? L’idée de l’internet des objets est de créer des comportements qui prennent du sens alors qu’avant, ils n’en avaient pas.

ThingM produits plusieurs objets comme BlinkM, des led intelligentes. Ils s’en sont d’ailleurs servis pour construire Winem.



Winem permet d’afficher de l’information sur des vins. On sait que le vin est un objet éminemment social. Ici, l’idée a été de créer un service qui unifie l’information cachée. L’idée est de proposer un magasin avec un casier à bouteille électronique et lumineux. Depuis votre mobile, vous sélectionner les vins qui vous intéressent. Par prix, par types, selon leurs qualités... Le casier de dégustation s’allume alors pour vous montrer les bouteilles que vous avez sélectionné. Pour chaque bouteille vous avez accès à son stock, à sa fiche.

ThingM a une démarche claire. Ils veulent explorer comment l’internet des objets peut transformer notre rapport au commerce de détail. Ils ne devraient pas avoir de mal à trouver des clients.

Connecter un objet n’est pas suffisant
On ne présente plus Rafi Halajian, le cofondateur de Violet et l’inventeur du Nabaztag. Rafi Haladjian a certainement fait la présentation la plus stimulante de cet atelier, certainement parce qu’il portait une vision forte de ce que va devenir l’internet des objets. Le problème explique-t-il, n’est pas quand ça va arriver, mais comment nous allons y arriver. Que voulons nous dire quand nous parlons de l’internet des objets ? De quel internet parlons-nous ? Il y a 2 internet des objets distingue-t-il : celui qui parle d’abord d’infrastructure et celui que nous pouvons commencer dès à présent car les technologies sont déjà là. En lançant le Nabaztag en 2005, son but était de rendre l’internet des objets massif, intuitif et accessible en permettant d’explorer de nouveaux modes d’expression (les sons, les lumières...) et de faire un objet idiot que les gens puissent se l’approprier, le transformer afin qu’il ne soit jamais ennuyeux.

Pour rendre l’internet des objets accessible, il faut le rendre possible et abordable avec des systèmes que les gens puissent acheter facilement. "Proposer des solutions amusantes et sociales est plus important que de produire des choses utiles", insiste-t-il. Bien sûr, le Nabaztag a voulu apporter une nouvelle image de la technologie : design, simple, donnant de la puissance à l’utilisateur (sans le prendre pour un consommateur) et sociale.

Après avoir connecté les lapins, Violet veut connecter tout le reste. "On ne doit pas décider ce qui doit être connecté et ce qui ne doit pas l’être. Le but n’est pas de créer des objets connectés particuliers, mais de pouvoir connecter ceux qui existent déjà. Nul objet n’est une île."

Mais connecter un objet n’est pas suffisant. Les objets doivent aussi être interconnectés pour interagir et interopérer entre eux. Les connexion ne doivent pas être seulement locales, mais globales : trop de projets d’infrastructure autour de l’internet des objets font une coupure entre la maison ou le bureau et le monde extérieur. "Quand je passe une clé sur mon Nabaztag, je dois pouvoir le savoir à l’autre bout du monde."

Rafi Haladjian dit une autre chose importante encore : Il y a un esperanto de l’objets communiquant. Il ne faut pas oublier que chaque type d’objet aura ses propres capacités d’expression (son, texte, visuel, image, vidéo, kinétiques...). "Que ce passe-t-il si mon objet déclenche une vidéo et que je n’ai pas d’écran ?" Il faut pouvoir traduire les applications sans avoir à tout réécrire à chaque fois (comme le fait la plateforme de Violet d’ailleurs). Tous nos objets ne sont pas des télés : "les objets connectés ne sont pas limités au push et pull media mais ont des effets ping-pong." Nos objets ne sont pas seulement des signets tangibles pour commander des pages web quand on les approche d’un lecteur de puces Rfid. "Il faut faire apparaître les bénéfices de la connexion."

Rafi Haladjian donne une dernière recommandation : les objets sont dans la vie et l’espace des utilisateurs réels. Ce qui implique qu’"il faut donner le pouvoir à l’utilisateur". Fort de son expérience réussie, assurément, Rafi Haladjian porte désormais une vision forte d’un avenir possible pour l’internet des objets. Et ce n’est pas l’avenir le plus inintéressant qui nous a été proposé ce matin. Bien au contraire.

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