vendredi 11 juillet 2008

Depuis le Carrefour de Brest

Voilà longtemps que je promets à mon collègue Denis Pansu, animateur du Carrefour des Possibles à la Fing, qu’il nous faut vous faire part des projets du Carrefour des possibles quand ils ont lieu. Je vous propose désormais qu’à chaque Carrefour, une personne de la Fing (ou pas d’ailleurs) nous fasse part ici, sur InternetActuLive de son sentiment sur quelques-uns des projets qui lui ont été présenté. L’idée n’est pas d’y porter un regard exhaustif, mais d’y porter un oeil personnel et vous dire ce qu’on y a trouvé intéressant et pourquoi.

Parmi les 10 projets présentés hier soir au Quartz à Brest, j’ai particulièrement apprécié BlueRennes, une expérimentation initiée par la Ville de Rennes qui consiste à disperser 10 bornes Bluetooth sur la ville pour diffuser du contenu multimédia gratuit pour téléphone mobile. L’idée est simple, depuis votre téléphone mobile vous pouvez accéder à des contenus dans un rayon de 10 mètres autour de ces bornes. Chaque borne, implantée à des endroits différents de la ville diffuse des contenus liés à cet endroit sous forme de flux RSS ou de Podcasts. Une borne à proximité d’un grand parking périphérique diffuse de l’information sur la saturation routière alentour, pour permettre aux gens d’en repartir plus efficacement. A la gare et à l’aéroport, vous accédez au contenu de l’agenda culturel de la Ville. Au Crij, vous accédez aux actualité du site. A l’hôtel de ville, à l’information municipale, à des podcasts et des vidéos musicales sur l'un des site culturel rennais... Les contenus sont donc géocontextualisés selon l’implantation de la borne.



Outre le défi technologique (notamment de compression de fichiers), Dominique Kergosien nous a expliqué qu’il a fallu réfléchir aussi à une signalétique adaptée, pour expliquer l’interaction que les bornes permettaient. Le plus éclairant, me semble-t-il est de comprendre que le développement de cette offre a permis de revisiter l’offre de service que proposait auparavant la Ville. Ainsi, pour diffuser de l’information depuis les bornes, il a fallu passer par des fils RSS et parfois, les développer là où ils n’existaient pas. Mieux, il a fallu retravailler à l’éditorialisation de ceux-ci, des chapôs des informations par exemple, qui n’étaient pas suffisamment synthétiques et informatifs. Comme souvent, le premier but d’une expérimentation a été de mieux ré-interroger les pratiques existantes et de les améliorer, et l’on sait que cette rétroaction là est certainement la face la plus intéressante du projet, puisqu’elle a permis de faire progresser des services. Reste que le projet, qui sera lancé le 24 juillet, porte aussi quelques limites. Ce premier déploiement est surtout centré sur de l’information municipale, alors qu’on aurait aimé aussi que d’autres acteurs du territoire, et pas forcément des acteurs institutionnels, puissent aussi s’en emparer (notamment des acteurs associatifs). Certes, l’ouverture est présente mais peut-être pas suffisamment. Par contre, on devine également que les acteurs privés et commerciaux ont du être aussi intéressés à vouloir diffuser leur information sur ces bornes, ce que la ville a pour l’instant refusé. On est là typiquement dans une expérimentation intéressante dans un contexte où peu d’applications mobiles dans la ville utilisent ce canal de push d’information. Reste qu’on peut légitimement se demander si, dans quelques années, quand toute la ville, tous les bâtiments et les commerces chercheront à émettre leur information sur nos mobiles, les usagers seront-ils aussi réceptifs à cette infobésité qui voudra aller à leur rencontre ? On souhaite en tout cas que cette expérimentation leur apporte des compréhensions nouvelles sur leur territoire et sur ce qu’attendent leurs usagers. Espérons que la ville de Rennes évoquera en détail ce qu’elle en a appris sur les pratiques des gens comme sur ses propres pratiques.

Le second projet que j’ai beaucoup apprécié est également Rennais. C’est La Ruche. La Ruche est un site social local, un site social de proximité, gratuit et à but non lucratif. La Ruche est une belle application qui pose la double question de savoir si un site social peut avoir des applications purement locales et s’il peut y avoir une finalité à un site social en phase avec la culture libre qui inspire ses animateurs. Ouvert fin janvier 2008, le site compte déjà plus de 1100 participants, précise Richard Delongu, son initiateur. Ce réseau social Rennais permet à chacun de créer son profil, d'y associer des mots clef pour le caractériser et de générer un fil d’information en RSS des événements que chacun peut proposer ou auxquels il compte se rendre. Les structures (association, collectifs, groupes) peuvent, de la même manière, s’inscrire, s’identifier, passer des annonces, poster des évènements géolocalisés. Les internautes Rennais peuvent s’abonner aux agendas et évènements qui les intéressent. Car le but du réseau n’est pas tant de faire se croiser des profils et des amis que de diffuser et localiser les évènements et l’actualité des rencontres qui se tissent entre les habitants.



Outre la plateforme, la Ville cherche à agir comme tiers de confiance dans les échanges. Pour cela, elle propose une messagerie interne, afin que les mails des inscrits ne soient jamais visibles par les autres participants ou les structures qui pourraient souhaiter toucher directement ces publics. Un soucis qui montre combien le site social local peut être construit à l’inverse des pratiques que l’on connaît dans des sites sociaux globaux, comme Facebook, et montrent qu’il y a peut-être d’autres voies possibles pour faire coopérer les citoyens. La Ruche travaille à développer des portefolio pour que les profils soient plus riches et que les annonces échangées puissent être plus larges que sur le seul évènementiel. LaRuche devrait prochainement essaimer sur Brest. Là encore, c’est une expérimentation qu’on va avoir envie de suivre sur la durée pour mieux comprendre comment elle est appréciée et comment elle évolue à côté d’autres sites sociaux, et savoir si ses différences de conception peuvent être un atout.

Le troisième projet que j’ai trouvé très prometteur est Rennais également, mais il n’est pas, lui, porté par un acteur public. Weem est une plateforme qui semble très intuitive pour aider les internautes à revendre leurs produits. Aujourd’hui, comme l’expliquait très bien Daniel Gerges, son initiateur, il est difficile de vendre ce dont on souhaite se débarrasser. Pourtant, les possibilités sont nombreuses : les sites de dépôts de petites annonces pullulent sur le net. Mais justement, quand on souhaite vendre un bien, pour maximiser ses chances, il faut souvent promouvoir son bien sur de nombreuses plateformes dont les fonctionnements ne sont pas tous les mêmes (enchères, vente directe...). Sans compter qu’il faut jongler de plateformes généralistes à des sites parfois très spécialisés qu'on n'identifie pas toujours très bien... Que rédiger une annonce, la poster sur un maximum de sites pour optimiser les chances de ventes prend du temps et beaucoup d’énergie. C’est en faisant ce constat pratique assez simple que Daniel Gerges a eu l’idée de développer Weem. Weem veut simplifier la vente entre particuliers en déposant pour l’internaute son annonce dans une multitude de sites de mises en vente (sites phares, sites de niches, diffusion dans les sites sociaux). L’interface de mise en vente a été simplifiée et il suffit de sélectionner les services sur lesquels on souhaite que son bien soit proposé à la vente pour que Weem gère la publication à votre place. Weem propose même un joli widget, très visuel pour que les internautes puissent le mettre sur leur blog où le diffuser à leurs connaissance. Le prototype est en version alpha. La Beta privée ouvre bientôt. On a la en tout cas, un vrai service dans l’esprit 2.0, qui a identifier un problème et qui compte aider les gens à le résoudre.

Enfin, comment ne pas tomber sous le charme des territoires sonores ? L’idée des animateurs des Territoires sonores est de nous proposer la découverte d’un territoire en utilisant le média sonore. Ici, nous découvrons le Cap de la Chèvre, dans le Parc naturel régional d’Armorique, comme on ne l’a jamais entendu. Une équipe de balado-créateurs, menée par Armel Menez (interview), a produit différentes "friandises sonores" autour du Cap de la Chèvre (sur la presqu'île de Crozon dans le Finistère) pour le faire découvrir, le temps d’une balade, différemment. Ils ont ainsi produits des petits formats audios dans une approche multithèmatique (avec des enregistrements qui parlent de la faune, de la flore, du patrimoine culturel, de l'histoire), produit avec les habitants et les acteurs locaux. Les documents sont disponibles dans le parc sous forme de baladeur pour accompagner et enrichir vos promenades, sur des bornes audio, véritables tentacules sonores, disposées à plusieurs endroits du parc, et bien évidemment sous la forme de podcasts sur l’internet.

Ce projet collaboratif mené par une quinzaine de bénévoles est parti de rien, autre qu’une envie. L’équipe a du tout apprendre pour mener son projet : apprendre à capter du son, à interviewer, à monter, à encoder... Cet apprentissage a été partagé et toute leur histoire, tout ce qu’ils ont capitalisés, est disponible sur Wiki-Brest pour que ceux qui auraient envie de faire pareil puissent suivre leur exemple et profiter de leur expérience. Les sons ont été produits en licence CreativeCommons bien sûr. Et à en écouter certains, on avait vraiment envie d’aller se promener au Cap de la Chèvre pour y porter assurément un autre regard. Les balodocréateurs ont plein d'autres projets dans leurs enregistreurs.

Un projet étonnant et exemplaire qui montre, s’il en était besoin, toute la puissance du web coopératif comme il a su nous étonner lors de cette nouvelle édition des rencontres du Forum des usages coopératifs de Brest, dont cette édition du Carrefour des possibles n’était qu’une porte d’entrée (jetez un oeil aux Petits débrouillards et aux petits débrouillards bretons).

Pour le prochain Carrefour qui aura lieu le 3 octobre au Centre Pompidou à Paris (Inscrivez-vous), à l’occasion de la seconde édition des entretiens des nouveaux mondes industriels, je passerais la main à un autre de mes camarades de l’équipe Fing.