vendredi 26 septembre 2008

Le pouvoir (et les difficultés) de la co-création

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

En entrant dans l'atelier sur "la puissance de la co-création", organisé par le Centre européen pour l'économie de l'expérience et le "cabinet de cocréation" Favela Fabric, on découvre 12 tables carrées, chacune entourée de quatre chaises et équipée d'un PC. Le message est clair : l'atelier lui-même sera coproduit.

Il le sera notamment autour de la question de base : qu'est-ce que la co-création ? Que n'est-elle pas ? Le terme est en effet tellement à la mode que tout tend à s'en réclamer.

Le contexte est ici celui de la cocréation de produits et services, entre une entreprise et ses clients.

D'abord, la cocréation, ça sert à quoi ?

Mais d'abord, pourquoi au juste se préoccuper de bien définir cette forme de création et d'innovation ? Parce qu'à l'époque des marchés ouverts et mondiaux, et des clients en réseaux, les marques sont déjà "cocréées", explique Albert Boswijk, directeur du European Centre for the Experience Economy. Quand des amateurs ont détourné les logiciels des produits Mindstorm de Lego, quelques semaines à peine après le lancement de cette gamme, las juristes de l'entreprise ont eu comme premier réflexe de faire donner l'huissier. Mais l'entreprise a choisi de s'appuyer sur la dynamique de cette communauté, ce qui lui a en définitive considérablement bénéficié.

La cocréation n'est pas une forme magique d'innovation au service des entreprises. Mais c'est une manière très efficace pour une entreprise de dialoguer avec ses clients, d'accéder à des idées nouvelles, de tester les idées en même temps qu'elles s'émettent. S'engager dans une telle voie modifie la relation de l'entreprise et de son marché, ne serait-ce qu'au niveau des attitudes.

Qu'est-ce qui est et n'est pas "cocréation" ?

On reconnaît la cocréation à partir d'une série de critères qui ont émergé de l'atelier (mais que les animateurs avaient aussi un peu en tête au démarrage...) :

  • Un but partagé : le projet, la question, les bénéfices attendus, sont clairement affichés et peuvent être partagés par les "cocréateurs".

  • Un résultat en général ouvert : le but n'est pas étroitement fixé à l'avance, le résultat peut être inattendu.

  • Un processus collaboratif, collectif : il ne s'agit pas seulement d'obtenir des informations ou des idées des clients, que l'entreprise traite à sa guise - le "crowdsourcing" n'est pas de la cocréation.

  • Une structure pour favoriser la connectivité : on ne cocrée pas sans appuis, sans espaces communs, moyens d'interagir, mémoire collective, etc.

  • Un degré minimal de diversité : des personnes trop semblables les unes aux autres peuvent cocréer, mais elles ne produiront pas un résultat différent de celui qu'aurait produit un seul membre du groupe.

  • Une "gouvernance", des règles, des dispositifs d'arbitrage, mais qui portent sur le processus plutôt que sur le résultat, et qui laissent de larges degrés de liberté aux participants.

  • Une réelle possibilité de décision, ou a minima d'influence sur les décisions, de la part de tous les participants, et un retour clair sur la manière dont les choix des participants sont pris en compte.

  • Une forme de retour pour tous les participants (ne serait-ce que l'"altruisme réciproque" de Clay Shirky).

  • Une transparence du processus, condition de la confiance réciproque entre l'entreprise et ses "cocréateurs".


Un exemple qui n'est pas de la cocréation, mais qui nous aura aidés à faire le partage : le site Fridgewatcher.com. Lancé par une agence de marketing, il invite les internautes à partager des photos de l'intérieur de leur frigo. L'afflux de photos a permis à un fabricant, client de l'agence, d'améliorer l'agencement de ses produits. Mais on ne saura ni comment, ni même quel est le client...

Un marketeur "positionne" la cocréation

Raul Lansink, associé du cabinet Favela Fabric, a ensuite rendu compte de quelques expériences telles que celle du "BlueLab" de KLM, un projet d'amélioration du service de la compagnie aérienne en direction de ses petits clients d'affaires. Son expérience, relatée avec distance, tranche avec les discours enflammés que l'on entend trop souvent.

Pour lui, la cocréation consiste à orchestrer un échange collectif autour de l'amélioration ou de la production d'idées et de concepts. Elle fournira rarement l'idée nouvelle qui changera tout,mais plus souvent de l'innovation incrémentale.

On pense souvent qu'il suffit d'une plate-forme pour qu'émergent des formes de cocréatin. C'est une vision qui nous vient des Etats-Unis et qui n'aide guère, parce qu'elle ne marche que sur de très grands marchés, ou bien pour le petit nombre de marques ou de produits qui disposent d'une communauté de fans. Dans la plupart des cas, les consommateurs d'une marque ne rêvent pas du tout de cocréer ses produits ! En général, une plate-forme, un protocole, une procédure, ne suffisent pas : il faut un projet, un programme, un but, un retour. La plupart des entreprises ne sont pas au centre de la vie des gens ! Il faut aussi se garder de trop vite considérer ses consommateurs, voire même des clients engagés dans un processus de cocréation, comme une "communauté" : les gens ne sont en général pas end emande de faire partie de nouvelles "communautés" ; la communauté peut être le résultat d'un processus, elle ne se décrète pas au démarrage.

Il faut partir d'un contrat, d'un accord : "collaborons autour d'un certain objectif, pendant une certaine période, et nous écouterons et mettrons des choses en oeuvre qui répondront à vos attentes."

Comment créer le contexte d'un processus de cocréation ? Il faut un focus clair : "voici ce que je vous propose, voici la raison pour laquelle je le fais, voici pourquoi je m'adresse à vous, ce que j'espère et ce que vous en tirerez". Le retour pour les participants n'a pas besoin d'être tangible, le sentiment d'être vraiment écouté peut suffire. Il faut prendre soin du dialogue qui s'établit. Il faut par exemple que la direction soit vraiment, personnellement et visiblement impliquée.

Mais quand le dispositif est mis en place de cette manière, il faut ensite franchir un autre obstacle, qui est la motivation et l'ambivalence des entreprises elles-mêmes : ouverture ou contrôle, s'intéresser aux gens ou aux cibles qu'on connaît déjà, changer ou améliorer, discuter ou affirmer, respecter ou se taire de peur de laisser filer des informations stratégiques...

Et il faut chercher une vraie masse critique. Plus il y a de monde, plus il y aura d'idées et plus les idées seront élaborées - et plus l'entreprise se sentira contrainte d'agir. Le nombre produit de la diversité, de la vitesse, de la transparence et un mouvement difficile à arrêter...

Fin du pique-nique

PicNic n'est pas encore tout à fait terminé, mais il nous faut y aller. Il reste certainement encore quelques billets dans nos ordinateurs dont vous risquez de trouver la trace ici ou là.

On se retrouve sur InternetActu.net dès lundi et sur InternetActuLive dès vendredi, à l'occasion des entretiens du nouveau monde industriel, où nous essayerons de faire un peu de liveblogging à nouveau. On y prend goût !

L’internet des objets : des outils pour hackers ou une véritable opportunité d’affaire ? (2e partie)

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Tester toutes les interactions
Matt Cottam est le président de Tellart, un studio et un laboratoire de recherche autour du design de l’expérience humaine, qui s’intéresse au "basculement" de nos interfaces, qui souhaite mettre du tangible, de la réaction dans nos objets électroniques comme le font déjà nombre de nos objets. Matt présente plusieurs vidéos d’ateliers réalisés par exemple avec l’université de design d’Umea en Suède ou avec l’Académie centrale des arts de Pékin... (les vidéos sont accessibles sur le site de Tellart, que je vous invite à visiter en profondeur). Il explique l’importance qu’il y a à "cracker" les objets pour leur donner des dimensions supplémentaires, pour comprendre comment ils fonctionnent, les détourner ou retrouver leur sens premier une fois augmentés d’électronique. "Plus transparents les objets deviennent, et plus intéressants et capables d’interactions ils sont". Il évoque longuement le travail de son équipe sur un simulateur médical, qui a consisté à recréer un mannequin pour développer les interactions possibles. Il évoque encore son travail sur des interfaces tactiles plutôt amusantes comme des coussins qui permettent de donner des coups à des avatars ou des plateaux qui mesurent votre consommation d’eau via votre verre et mettent en veille votre écran si vous ne buvez pas assez, des chaussures pour commander un jeu, une éponge souris... voire encore le Horsepower Challenge qui a consister à hacker un simple podomètre pour créer un jeu interécole consistant à encourager les élèves à avoir un style de vain plus sain pour leur santé. Le site de Tellart grouille visiblement d’idées, superbement mises en scènes. N’hésitez pas à vous y perdre.

Ombres et manifestations des objets
Mike Kuniavsky, chercheur en design d’expérience, est lui aussi à la tête d’un studio de design, ThingM. Pour lui, quand les objets deviennent connectés, leur nature fondamentale change : ils existent à la fois dans le monde réel et dans le monde des données et ces deux qualités couplées modifient profondément leur conception.
La capacité de calcul devient le matériel sur lequel nous devons travailler, parce qu’il n’est plus précieux, mais au contraire, facile à produire. On est capable de mettre des ordinateurs partout, même dans un four... Reste à concevoir les interfaces explique-t-il en racontant la difficulté qu’il a eu à faire fonctionner un four connectable (interface web non accessible, multiples manipulations via son téléphone, etc. Et oui. Les règles du jeu de nos objets sont encore bien souvent trop compliquées à utiliser.

Mais il n’y a pas que les interfaces qui posent problème. Une autre difficulté que l’on rencontre avec l’internet des objets est leur identification. Car les objets ont désormais deux existences : une existence physique et une existence virtuelle (qui implique par exemple des relations sociales propres). Hors, quand je m’adresse à un objet, sais-je toujours auquel ? Est-ce que je m’adresse à cette bouteille ou a son ombre ? Est-ce que ce sont les mêmes ?

On est au début des mashups entre le monde physique et le monde "virtuel" explique-t-il Reste à savoir quels scénarios construire autour de ces croisements d’informations, quelles informations augmentées mettre dans l’ombre de nos objets ? L’idée de l’internet des objets est de créer des comportements qui prennent du sens alors qu’avant, ils n’en avaient pas.

ThingM produits plusieurs objets comme BlinkM, des led intelligentes. Ils s’en sont d’ailleurs servis pour construire Winem.



Winem permet d’afficher de l’information sur des vins. On sait que le vin est un objet éminemment social. Ici, l’idée a été de créer un service qui unifie l’information cachée. L’idée est de proposer un magasin avec un casier à bouteille électronique et lumineux. Depuis votre mobile, vous sélectionner les vins qui vous intéressent. Par prix, par types, selon leurs qualités... Le casier de dégustation s’allume alors pour vous montrer les bouteilles que vous avez sélectionné. Pour chaque bouteille vous avez accès à son stock, à sa fiche.

ThingM a une démarche claire. Ils veulent explorer comment l’internet des objets peut transformer notre rapport au commerce de détail. Ils ne devraient pas avoir de mal à trouver des clients.

Connecter un objet n’est pas suffisant
On ne présente plus Rafi Halajian, le cofondateur de Violet et l’inventeur du Nabaztag. Rafi Haladjian a certainement fait la présentation la plus stimulante de cet atelier, certainement parce qu’il portait une vision forte de ce que va devenir l’internet des objets. Le problème explique-t-il, n’est pas quand ça va arriver, mais comment nous allons y arriver. Que voulons nous dire quand nous parlons de l’internet des objets ? De quel internet parlons-nous ? Il y a 2 internet des objets distingue-t-il : celui qui parle d’abord d’infrastructure et celui que nous pouvons commencer dès à présent car les technologies sont déjà là. En lançant le Nabaztag en 2005, son but était de rendre l’internet des objets massif, intuitif et accessible en permettant d’explorer de nouveaux modes d’expression (les sons, les lumières...) et de faire un objet idiot que les gens puissent se l’approprier, le transformer afin qu’il ne soit jamais ennuyeux.

Pour rendre l’internet des objets accessible, il faut le rendre possible et abordable avec des systèmes que les gens puissent acheter facilement. "Proposer des solutions amusantes et sociales est plus important que de produire des choses utiles", insiste-t-il. Bien sûr, le Nabaztag a voulu apporter une nouvelle image de la technologie : design, simple, donnant de la puissance à l’utilisateur (sans le prendre pour un consommateur) et sociale.

Après avoir connecté les lapins, Violet veut connecter tout le reste. "On ne doit pas décider ce qui doit être connecté et ce qui ne doit pas l’être. Le but n’est pas de créer des objets connectés particuliers, mais de pouvoir connecter ceux qui existent déjà. Nul objet n’est une île."

Mais connecter un objet n’est pas suffisant. Les objets doivent aussi être interconnectés pour interagir et interopérer entre eux. Les connexion ne doivent pas être seulement locales, mais globales : trop de projets d’infrastructure autour de l’internet des objets font une coupure entre la maison ou le bureau et le monde extérieur. "Quand je passe une clé sur mon Nabaztag, je dois pouvoir le savoir à l’autre bout du monde."

Rafi Haladjian dit une autre chose importante encore : Il y a un esperanto de l’objets communiquant. Il ne faut pas oublier que chaque type d’objet aura ses propres capacités d’expression (son, texte, visuel, image, vidéo, kinétiques...). "Que ce passe-t-il si mon objet déclenche une vidéo et que je n’ai pas d’écran ?" Il faut pouvoir traduire les applications sans avoir à tout réécrire à chaque fois (comme le fait la plateforme de Violet d’ailleurs). Tous nos objets ne sont pas des télés : "les objets connectés ne sont pas limités au push et pull media mais ont des effets ping-pong." Nos objets ne sont pas seulement des signets tangibles pour commander des pages web quand on les approche d’un lecteur de puces Rfid. "Il faut faire apparaître les bénéfices de la connexion."

Rafi Haladjian donne une dernière recommandation : les objets sont dans la vie et l’espace des utilisateurs réels. Ce qui implique qu’"il faut donner le pouvoir à l’utilisateur". Fort de son expérience réussie, assurément, Rafi Haladjian porte désormais une vision forte d’un avenir possible pour l’internet des objets. Et ce n’est pas l’avenir le plus inintéressant qui nous a été proposé ce matin. Bien au contraire.

L’internet des objets : des outils pour hackers ou une véritable opportunité d’affaire ? (1ère partie)

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Oliver Christ, directeur de SAP Research en Suisse présente les "MegaTendances pour 2012". Peit-on prédire le futur ? On peut prédire l’impact des technologies avec une grande probabilité à 10 ans affirme-t-il. Et d’énumérer quelques tendances auxquelles nous allons être confronté dans les années à venir.

La première tendance, c’est la globalisation, des marchés, du commerce, des médias... Dont la première conséquence est la délocalisation de la production et des services (comme l’illustrent les fermes de jeu chinoise ou asksunday.com, qui pour 29 $ par mois s’occupe de vos week-end ou de vos vacances pour vous...).

Autre tendance de fond, le vieillissement de la société. Ce qui va avoir pour conséquence que nous allons être confronté à un public qui a besoin de services, pas de gadgets : des boîtes à pillules intelligentes, des services de communication faciles à utiliser, des services de surveillance... Les services ne sont pas isolés, il s’intègrent dans des écosystèmes autour des personnes et de leur environnement. On le constate dès à présent : les biens matériels et les services fusionnent. Les téléphones mobiles intègrent des services de navigation, les logiciels deviennent des services en ligne, les objets de mesure deviennent des solutions de gestion de ressources.

L’internet des objets, par exemple, c’est des communications voiture à voiture (car2car, voire car2X communication), c’est de la surveillance des conduites d’eau, qui via des capteurs, permet de repérer les fuites, d’alerter les techniciens, et même de délivrer de l’information sur les rues que l’on ferme directement aux véhicules. Autre exemple, les systèmes d’assurance qui se branche sur votre système voiture pour vous faire payer une assurance proportionnellement aux kilomètres que vous effectuez ("Pay as you Drive insurance" de Norwich Union).

La miniaturisation des capteurs et des outils de communication et la chute de leurs coûts de production permet d’aller toujours plus avant dans l’intégration des objets : on passe des PC, aux mobiles et demains aux objets du quotidien. Le coût de la façon dont on récupère les données ne cesse de baisser en devenant de plus en plus automatique : on est passé des données saisies à la main, aux cartes à puces, aux codes barres, aux Rfid et aux systèmes embarqués. Et de terminer en nous montrant un magasin en Allemagne où tous les produits sont connectés. Qui ne permet pas seulement de payer sans passer à la caisse, mais qui permet aussi de reproduire le magasin et vos achats dans Second Life. Autant dire qu’Oliver Christ nous a donné une vision un peu froide et industrielle de l’internet des objets.

Les apports concrets de l’internet des objets
Si Joe Polastre, président de Sentilla Corporation, s’intéresse à l’industrie, c’est avec un peu plus de fraîcheur, notamment sur les apports bien réels que promettent l’internet des objets. Le but de cette prochaine révolution est de rendre visible l’invisible, nous explique-t-il. Les capacités de calcul se miniaturisent et vont se répandre dans notre environnement : c’est cela l’internet des objets.

Aujourd’hui, nos voitures savent déjà nous envoyer un e-mail pour dresser le bilan de leur état (OnStar Vehicle Diagnostics de GMC). 570 millions d’objets sont déjà accessibles via l’internet... Mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des objets (0, 005 % de l’ensemble des objets).

Quel peut-être l’apport de l’internet des objets à notre bien être ? Joe Polastre veut être concret en s’intéressant à l’énergie. Il faut préciser que c’est son domaine, l’objet de Sentilla étant de transformer notre gestion de l’énergie pour les entreprises, mais aussi, pour tout à chacun. Ils ont ainsi développé un kit qui permet à chacun de connecter son équipement électro-ménager à un tableau de bord en ligne pour mieux en mesurer la consommation. Mais ce n’est pas là que la démonstration de Polastre est la plus parlante.

18 % de l’énergie est consommée par les domicile, 20 % par les commerces, 34 % par l’industrie et 27 % par les transports rappelle-t-il. En quoi l’internet des objets peut nous aider à limiter notre consommation énergétique ? On le sait, le prix de l’électricité et de l’essence s’envole, tant et si bien que cela devient une préoccupation pour tous (même pour les Américains ;-). Wal Mart est l’une des sociétés mondiales qui consomme le plus d’électricité (0,5 % de toute l’électricité des Etats-Unis). Pour savoir comment faire des économies, Wal Mart a réalisé un audit de ses dépenses. Ils ont ainsi constaté qu’en remplaçant les ampoules de leurs stands de vente de lampe, ils pouvaient économiser 6 millions de dollars sur leur facture énergétique. Wall Mart a fait peindre tous les toits de leurs magasin en blanc pour réfléchir la chaleur et économiser 7400 dollars par bâtiment et par ans (ce qui pour 4141 magasins aux Etats Unis représente une économie de quelques 30 millions de dollars par an).

Autre exemple : 30 % des coûts de production de l’industrie de l’aluminum sont des couts électriques. En améliorant les machines, en améliorant le processus de fabrication de l’aluminum, l’industrie américaine est arrivé à réduire de 2 % sa consommation d’électricité, soit 200 millions de dollars d’économie et 1 tonnes de gaz carbonnique rejettés économisés). Le même diagnostique peut être répété dans bien d’autres industries...

Dans nos domiciles, peut-on faire la même chose ? Bien sûr, répond Joe Polastre en évoquant le kit que sa société a mise au point. Une télé consomme en moyenne 100 watts allumée et 10 watts éteinte. Joe a connecté son électro-ménager à l’internet pour lui donner des ordres (ne tourner que la nuit pour son lave linge, etc.). Désormais, il dispose du détail de sa consommation et il peut mieux la surveiller. Selon lui, la prochaine génération de service nous viendra par l’internet et nous permettra de mieux mesurer ce que nous faisons et son impact.

Un internet des objets ouvert

David Orban, présente sa société, Wide Tag, qui propose de construire une infrastructure pour un internet des objets ouverts. OpenSpime, leur projet phare (que nous avions déjà évoqué) fait explicitement référence au concept de Spime introduit par Bruce Sterling. Pour lui, les Spime sont des "social hardware" dont le but est de mettre le hardware à la disposition de tous.

OpenSpime a développé une bibliothèque en open source avec des spécifications techniques et des protocoles pour créer des objets ouverts. CO2 Spime est un système qui collecte le niveau de gaz carbonnique. CO2 sensor, qui sera disponible en 2009, n’est pas seulement un détecteur de gaz carbonique, mais aussi une façon d’augmenter socialement votre téléphone. Ils travaillent enfin à un "Social Energy Meter", une application pour iPhone qui permettra d’agréger des données issues de capteurs que l’on installera dans la maison pour mesurer sa consommation d’énergie.

Übermots pour übertendances pas übersurprenantes

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Michael TchongToujours amusant d'entendre un chasseur de tendances. Apprend-on beaucoup de choses, en revanche ? A vous de juger.

L'Américain Michal Tchong est un habitué des conférences internationales. Son cabinet, Ubercool, identifie... des übertendances, les mères de toutes les tendances.

Quelles sont, pour lui, les prochaines vagues du futur ?

Le sans fil... une génération débranchée parce qu'éloignée des prises. On tue, aujourd'hui, parce qu'on texte pendant qu'on conduit. On s'accoutume au "crackberry". Sur la 57e rue de New York, une Nokia Lifestyle store s'est insérée entre deux boutiques de luxe.

Le style de vie numérique, le mariage entre l'homme et la machine. Nous fusionnons à nos machines. Nous avons besoin de protéger nos mémoires, comme des ordinateurs. Les matériaux qui composent les ordinateurs ont une texture qui rappelle celle de la peau. Les jeux vidéo sont plus importants que Hollywood. On donne des noms à son ordinateur, comme à des animaux domestiques. Il y a des agences immobilières dans Second Life. Le style de vie numérique a changé les règles des relations sociales.

La compression, l'accélération de la vie. On recherche des gratifications immédiates. La tendance est constante depuis les années 1950 et l'invention du fast food. Nous dormons 2 heures de moins par nuit qu'il y a quelques décennies. Même les bébés dorment 90 mn de moins que ce que recommandent les médecins. Les jeunes, les ados ont tous appris à être multitâches. Nous sommes entrés dans une culture du tropoccupisme (traduction libre...), qui fait le bonheur des chaînes globales de cafés et des boissons énergétiques. Nous offrons des cartes d'achat pour ne pas passer du temps à choisir un cadeau. Dans les enquêtes, les consommateurs attribuent plus de valeur au temps qu'à l'argent.

L'économie de l'expérience. Au Japon, on peut acheter des bouteilles d'eau pour 100$. Tout doit devenir une expérience, les bonnes fêtes sont à thème, comme les croisières qui connaissent de plus en plus de succès.

La fontaine de jeunesse. Les bébés d'aujourd'hui vivront 120 ans. Le nouveau middle age est la soixantaine. Les spas représentent un marché de 47 milliards de dollars par an. On invente des jeux pour entretenir sa mémoire, Brain Age a vendu 17 millions d'exemplaires. On cherche à apprécier sa vie, et à l'apprécier dans la durée. C'est aussi pourquoi on se préoccupe tant de l'avenir de la planète et boire l'eau du robinet devient la mode, Nestlé vient d'annoncer que ses ventes d'eau minérale ont diminué.

Le bonheur est-il dans le près ? A vous de répondre...

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Jim Stolze, consultant néerlandais en stratégies internet, qui lançait à Picnic le Virtual Happiness Project :

"Qu'est-ce que le bonheur ? La recherche des 50 dernières années a montré que ce qui avait le plus d'influence sur notre bonheur personnel, c'était notre capacité à nous relier aux autres.
"Or aujourd'hui, dans le monde, les gens passent de plus en plus de temps en ligne. Nous y menons toutes sortes d'activités sociales. La technologie a fait tomber les barrières de l'espace et du temps en nous permettant d'interagir en tout lieu, à tout instant. L'internet est devenu notre feu de camp global.
"Cela signifie-t-il qu'être en ligne nous rend heureux ? C'est la question que veut poser le Virtual Happiness Project au travers d'une enquête internationale. Le bonheur se mesure, nous dit la recherche. Y a-t-il une corrélation entre le bonheur et la connexion ? Et si oui, qu'exprime-t-elle ?"

L'enquête est en ligne. Elle vient d'être lancée et les résultats sont espérés en février 2009.

Vois-tu ce que je sais ?

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

La visualisation de grands volumes de données était au centre de plusieurs ateliers et présentations de PICNIC. Nous avons raté Ben Cerveny, le gourou de Stamen Design, entreprise dont on recommandera sans réserve le blog. Mais les deux autres intervenants avaient de quoi nous faire réfléchir.

Visualiser pour discuter et agir

José Luis de VicenteJosé Luis de Vicente dirige le programme "Visualizar" du Medialab Prado de Madrid, un centre de recherche situé à l'intersection des arts et des technologies. Il tient également un excellent blog (en Espagnol).

La démarche de travail du projet repose sur une méthode originale. Chaque année, un atelier de travail sélectionne 10 idées et les développe pendant 2 semaines au sein d'un groupe de 40 personnes d'origines aussi différentes que possible. Puis certains projets sont poussés jusqu'à des stades plus avancés. Le thème de 2008 est "la ville comme base de données".

A l'origine une méthode destinée à aider les spécialistes à traiter autrement de grands volumes de données, la visualisation est devenue un outil de communication, de production sociale. Ceci a d'abord une valeur en soi, mais cette "conversation" fait aussi émerger des questions nouvelles.

L'atlas de l'espace électromagnétique est ainsi un projet qui associe, sur un premier plan, l'allocation officielle de l'espace des fréquences et sur le second, les interventions artistiques ou militantes qui s'insèrent dans différentes zones de fréquence. Le message est celui d'une réappropriation de l'espace hertzien, considéré come une ressource publique (et menacée).

La visualisation peut également s'utiliser à des fins toutes personnelles. Les réseaux sociaux ou des sites que Twitter, Dopplr (où l'on informe sur ses déplacements) ou Lastfm (musique) "encodent" d'une certaine manière notre relation, nos goûts, notre vie quotidienne, et les rendent analysables par des machines. La visualisation personnelle se propose d'analyser ces informations pour faire retour à la personne et lui proposer de nouvelles interprétations, de nouveaux outils personnels. Mail Garden, imaginé par Kjen Wilkens explore par exemple notre boîte aux lettres pour analyser nos liens avec les autres, décrire l'historique d'une relation avec une personne donnée, etc.

Casas TristesLa visualisation sert enfin de support à la discussion publique dans le projet Casas Tristes ("maisons tristes") rend palpable la bulle immobilière espagnole. La montée des prix de l'immobilier a attiré les investissements tout en repoussant les acheteurs : 3 millions d'habitations resteraient invendues, et autant de personnes vivraient sans logis convenable. Le projet combine plusieurs formes de visualisation : sur Google Maps, chacun peut indiquer l'existence de maisons vides, dire depuis combien de temps elles attendent preneur, etc.. Des petits dessins à base de statistiques réelles comparent le rythme de construction en Espagne et ailleurs, mais cherche aussi des explications, en montrant par exemple combien l'augmentation des prix a rendu l'immobilier inaccessible.

Cascade on WheelsCombien de voitures passent-elles sous votre fenêtre chaque jour ? Le jeune designer Steph Thirion a cherché à le savoir et à le représenter à l'échelle d'un quartier de Madrid, dans un projet nommé Cascade on Wheels. Après avoir, comme d'habitude, échoué à obtenir sous une forme exploitable les données très précises sur les flux automobiles dont dispose la ville, Thirion a rentré ces données à la main, pour en proposer deux représentations originales. La première, en 3D, représente le trafic comme une sorte d'excroissance des rues. La seconde en propose une illustration sonore.

nuage vertMais pour José Luis de Vicente, l'enjeu suivant est d'utiliser la visualisation pour déclencher l'action. Le Nuage Vert, du collectif HeHe (Helen Evans & Heiko Hansen), récemment montré au Carrefour des Possibles et primé à Ars Electronica, symboliserait cette dernière tendance. Testé en grandeur réelle à Helsinki, le projet consiste à colorier la vapeur émise par une centrale électrique d'un halo vert de plus en plus grand, à mesure que la consommation électrique de la ville baisse.




La visualisation transforme-t-elle la connaissance ?

Le Virtual Knowledge Studio d'Amsterdam organisait pendant PICNIC un atelier sur le thème de la visualisation de données. Un blog tente d'en relater le déroulement. L'objectif était d'apprendre à visualiser des connaissances transdisciplinaires, ou encore des enjeux et des dilemmes.

Pour Paul Wouters, le fondateur de l'institut, la visualisation est une affaire de compréhension réciproque. Les données se sont ni le début ni (contrairement à ce qu'affirme par exemple Chris Anderson) la fin de la théorie. Elles sont le résultat de la théorie. L'annotation massive de notre environnement change le paysage, mais pas les questions.

Selon lui, deux questions méritent en revanche d'être posées sur le statut des dispositifs de visualisation fondés sur de grands volumes de données. La connaissance visuelle est-elle un attribut personnel ou la base d'une construction commune ? La visualisation est-elle un simple instrument pour analyser des informations, ou acquiert-elle en propre une valeur de connaissance ? Peut-on par exemple visualiser, non les données, mais ce qu'on a appris de l'interaction avec ces données ?

Réponses, on l'espère, sur le site de l'institut ou dans le compte-rendu de l'atelier, auquel nous n'avons pas pu participer.

jeudi 25 septembre 2008

Ethan Zuckerman : Que se passera-t-il quand nous porterons attention à l’Afrique ?

En direct (avec un peu de différé) de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Comme le dit avec admiration – une admiration partagée pour ma part - Lucy Hoobermann, "essayer de bloguer les propos d'Ethan prouve qu'il n'écrit pas seulement plus vite que les autres, mais qu'il peut aussi parler aussi vite qu'il écrit." Difficile d'ordonner des notes forcément parcellaires alors qu'Ethan cite des dizaines d'exemples tout aussi passionnants les uns que les autres.

"Quelle attention portons-nous à l’Afrique ?" Aucune, si nous en croyons la singlante démonstration d’Ethan Zuckerman du Berkman Center for internet and society. Les cartes de l’attention des médias à l’Afrique (exemple 1, 2), comme celles sur lesquelles travaille Ethan, sont depuis longtemps parlantes : nous ne nous intéressons pas à l'Afrique. En s’intéressant à l’historique des requête faites sur Google sur le nom de Madagascar depuis 2004, le seul pic d’audience qui apparaît ne correspond à aucuns des évènements politiques ou à aucune des catastrophes qui ont touché l’île ces dernières années, mais au dessin animé éponyme, qui ne parlait même pas de ce pays pourtant plus peuplé que la Hollande.

En novembre 2005, un journaliste du Malawi Times passe dans un village quand on lui montre un moulin à vent construit par un gamin qui génère de l’électricité en couplant le moulin à vent à un vélo et à une dynamo, générant suffisamment d’électricité pour alimenter la maison de ses parents. L’histoire du jeune William Kamkwamba a été bloguée au Malawi puis reprise par l’excellent AfriGadget, et relayée de blogs en blogs jusqu’à ce que le jeune inventeur soit repéré par la presse internationale et même invité à TED, la célèbre conférence rassemblant les plus grands penseurs et innovateurs de la planète. William Kamkwanba a depuis reçu suffisamment d’argent pour aller dans la meilleure école du Malawi. Toute sa vie a été transformée par le fait que quelqu’un lui a porté attention. De combien d’autres innovateurs de ce type passons-nous à côté ?

Aujourd’hui, la communauté des blogs africains se structure (comme Afromusing ou Afrigadget évoqué ci-dessus, mais vous pouvez aussi consulter la blogroll africaine sur le blog d'Ethan). Si aujourd’hui, c’est encore un blanc qui nous parle de l’Afrique, Ethan espère bien que ce ne sera plus longtemps le cas. Et d’évoquer, parmi de nombreux sites, Ushahidi une plateforme citoyenne d’information née pendant la crise kenyanne de janvier 2008 afin de mieux faire circuler l’information via des cartes et des lignes de temps.

Des outils qui permettent à l’Afrique d’attirer l’attention sur ce qu’il s’y passe. Sur Global Voices, dont Ethan est l’un des fondateurs, on peut écouter la voix de l’Afrique, à côté de celle de tous les autres pays du monde, dans cet agrégateur d’information internationales produites par des blogueurs et journalistes locaux. Ethan évoque également l'importance du développement des classes moyennes en Afrique.

Ethan souligne aussi l’impact du développement du téléphone mobile en Afrique. Le téléphone est devenu un outil de paiement. Les règlements par téléphone mobile représentent 2 % de l’économie de la Zambie. Au Ghana on utilise les cartes téléphoniques comme moyen de paiement. Vous achetez une carte, vous téléphonez à celui qui dans le village a un téléphone, vous lui communiquez le code pour qu’il utilise le crédit de 20 dollars qu’il y a dessus et il donne 19 dollars à votre mère, à votre frère ou à votre soeur resté au village. Comparativement, à Amsterdam, Ethan n’est pas arrivé à payer son taxi avec son mobile.

Nous avons tendance à penser à l’Afrique uniquement sous l’angle de l’assistance, mais ce n’est pas suffisant. L’Afrique a besoin d’infrastructures pour l’énergie, les transports, le téléphone, l’eau... La Chine passe des partenariats avec des pays africains pour y développer des infrastructures. Mais est-ce suffisant ? Et d’évoquer pour conclure un bel exemple de succès, celui de Patrick Awuah qui, après avoir brillamment réussi sa carrière aux Etats-Unis, a décidé de construire un centre d’apprentissage d’excellence au Ghana dont il est originaire, l’Ashesi University College, pour que les Africains aient un avenir en Afrique.

Si l’Afrique est surprenante, c’est juste parce que nous n’y portons pas assez d’attention, conclut Zuckerman. Il vient en tout cas d'en faire une éclatante démonstration.

(Thank’s Lucy for your notes : these were very helpful).

Adam Greenfield : Quand les espaces urbains du futur posent problèmes

En direct (avec un peu de différé) de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

On ne présente plus Adam Greenfield, l’auteur d’Everyware, dont nous avons l’habitude de citer les travaux. L’avenir de nos villes reposera sur de nouveaux modes de perception et d’expérience basées sur les données temps réel et le retour des utilisateurs. A quoi ressemblera la cité connectée pour ses utilisateurs ? Comment va-t-elle transformer le sens de nos métropoles ?

Demain, nos objets et nos interfaces vont sentir, calculer, afficher, recevoir, stocker, transmettre et avoir des actions physiques sur l’information, explique Greenfield. Mais est-ce que cette perspective va décrire une réalité ou est-ce de la science-fiction ?

Adam Greenfield évoque quelques réalisations qui existent déjà, notamment les projets Coréens : le quartier d’u-Cheonggyecheon ou bien sûr la ville ubiquitaire New Songdo, une ville où tout ce qui y passe est tracé, jusqu’aux canettes que vous jettez dans les poubelles.

Le problème bien sûr, c’est que ces projets partent de la technologie plutôt que du désir des hommes. Ils ratent les vrais questions que cet avenir nous pose. Mais comment réagirions nous si nous vivions dans de tels espaces ?

Pour cela, il faut déjà regarder les usages actuels des gens, de leurs objets technologiques "souverains". Quand ils téléphones, les gens se créent des cocons de communication dans les lieux publics pour s’isoler. Dans une ville où tout est connecté, comment allons-nous nous replier sur nous-mêmes ? Si l’information tombe sur nous comme la pluie, nous faudra-t-il des parapluies ? Quand on regarde comment nous choisissons de faire nos actions dans la ville, nous devons constater qu’ils ne sont déjà plus physiques, mais qu’ils dépendent déjà des objets que nous utilisons. D’où l’idée des concepts de Long Here et Big Now ...

Le concept de Long ici (Long Here) qu’il développe, fait référence au Big Here de Kevin Kelly, c’est-à-dire au fait que désormais, où que vous viviez vous êtes un petit point imbriqué dans un espace plus grand. Mais pour Greenfield, c’est bien de Long Here dont il parle, fait référence à l’ancrage, à la persitance d’un historique de tout lieu qu’on traverse. Chaque lieu, spécifié par ses coordonnées possède désormais une profondeur dans le temps. Le meilleur exemple qu’on puisse en donner, ce sont les photos géotaggées qu’on accumule sur Flickr, capable de donner un véritable historique des lieux où l’on passe. Avec des cartographies sur la criminalité, comme Oakland CrimeSpotting, vous avez accès à l’historique de la criminalité d’un quartier, d’une rue, d’un immeuble.

L’autre concept qu’il évoque, le Gros maintenant (Big Now) fait référence à la Long Now Foundation, qui veut regarder notre évolution culturelle sur le très long terme. Le Big Now auquel nous sommes de plus en plus confronté en est exactement l’inverse : les données en temps réel montrent le présent et la réalité tangible de la ville. Avec Twitter, je sais sur l’instant ce que fond mes amis le samedi soir. Ce qui induit une expérience différente qui influe sur mes choix, qui influe sur l’offre des possibles. L’immédiateté est parmi nous explique-t-il en évoquant le fil Twitter du Pont de Londres qui envoit des messages automatiques dès qu’il s’ouvre ou se ferme, ou en évoquant le New York Talk Exchange du Senseable City Lab du MIT qui montre les échanges de télécommunications en temps réel entre New York et le reste du monde.

Reste que la ville ubiquitaire est déjà là. Mais elle pose dès à présent des problèmes : Comment allons-nous pouvoir nous protéger des systèmes de surveillance ? Comment résoudre un problème de GPS quand celui-ci ne délivre plus certains plans ? Dans certaines villes européennes, il devient commun d’équiper sa voiture d’un passe RFID qui permet d’accéder à certaines rues dont l’accès est commandé par des plots rétractables. Mais que se passe-t-il quand un système de ce type défaille, insiste Greenfield en montrant l’exemple d’une voiture (équipée pourtant de la puce et ayant un accès autorisé) dont le passager à été tué par un plot qui est brusquement remonté. "Quel support technique appelez-vous quand un système de ce type casse ?"

A l’heure où nos espaces urbains commencent leur transformation, apparaissent des espaces "furtifs" (qui ne peuvent pas être trouvés), "glissants" (qui ne peuvent pas être atteints), piquants (qui ne peuvent pas être confortablement occupés), "croustillants" (qui ne peuvent pas être saisis), "nerveux" (qui ne peuvent pas être utilisés sans être sous surveillance) pour reprendre des termes qui font références aux travaux de l’architecte-géographe Steven Flusty (que nous évoquions dans ce billet), auquel il ajoute le terme "brumeux"pour décrire des espaces qui ne peuvent être cartographiés ou qui n’existent pas sur votre GPS.

Autant d’espaces qui deviennent importants au moment où nous commençons à visualiser l’espace urbain en terme de données, en couches de données. Au moment où l’espace devient adressable, ou l’on peut écrire dessus, ou l’on peut faire des requête dessus, nous pouvons imaginer faire des choses étranges. Que se passera-t-il, nous lance-t-il en évoquant le projet Pervasive Time Square, quand les panneaux d’affichages de Time Square commenceront à avertir certains piétons qu’ils doivent prendre un taxi immédiatement s’ils ne veulent pas rater leur vol pour la Jamaïque ? Ou quand ils vous laisseront savoir que la police sait que votre voisin porte une arme et qu’ils le surveillent ? "Je ne suis pas sûr que ces espaces soient très confortables".

Certes, le processus de l’information se dissolve dans nos comportements (on passe sa carte de transport dans son sac, sans plus s’en appercevoir). Cela permet d’imaginer de nouvelles interactions avec une cité qui répond au comportement de ces habitants.

Pour conclure sur une version plus optimiste, il nous invite à passer d’un urbanisme où l’on navigue à un urbanisme où l’on cherche (browse urbanism to search urbanism) où nous trouverons peut-être les moyens d’atteindre les différentes expériences que nous attendons de la ville. A quoi ressembleront-elles demain ? C’est à nous, designers et citoyens, de le dire.

Le Design comme un processus collaboratif

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Bill Moggridge est le fondateur d’Ideo, LE cabinet de design, dont la devise est de créer de l’impact via le design. Après avoir conçu de très nombreux produits, les concepteurs d’Ideo ont comme défi pour l’avenir de construire des interactions avec nos objets. Et de montrer, à titre d’exemple, le concept d’ultra mobile PC imaginé pour Intel (vidéo), qui adapte la voiture que vous empruntez à vos caractéristiques, juste en y branchant votre ordinateur ultra mobile, permettant à un Chinois se promenant en voiture dans une ville américaine de conserver une interface de navigation dans sa langue.

Nous avons de nouvelles pratiques de design et de nouvelles disciplines à interroger, explique Moggridge expliquant que celles-ci se situent sur un axe entre le design physique et numérique et sur un autre qui sépare l’humain et le subjectif de l’automatique et du caractère objectif de nos machines.

Impliquer les gens dans le design signifie faire participer ceux qui utilisent, ceux qui savent se servir des objets pour en concevoir des plus adaptés. En étudiant par exemple comment étaient conçus les établissement de dons du sang de la Croix Rouge américaine, Ideo a designé un environnement plus adapté et pour les infirmiers et pour les donneurs de sang : plus structuré, plus accueillant, plus sûr, plus valorisant pour mieux impliquer les individus qui utilisent ces structures et valoriser les donneurs. Le design s’intéresse aux contextes : personnels, sociaux ou environnementaux. Ideo s’intéresse au développement durable en étudiant par exemple une brique de lait optimisée pour le recylage. Et d’évoquer encore la Terre Tangible de Shinichi Takemura, un globe terrestre que l’on manipule pour voir l’état de la terre.

Le design est là pour nous aider à vivre ensemble, clame le Designer Accord, déjà rejoint par plus de 100 000 personnes. Un slogan qu’Ideo a depuis longtemps fait sien.

Les finalistes du Green Challenge

Bruno Giussani présente les finalistes du concours Green Challenge.

RouteRank, présenté par Jochen Mundinger a pour objectif de proposer une interface web qui permet d’optimiser la recherche et le classement écologique des routes que vous pouvez prendre pour vous rendre quelque part, selon les critères de l’internaute.

Greensulate, présenté par Eben Bayer, est un matériau pour remplacer le polystyrène aujourd’hui surutilisé dans la construction et dont l’empreinte écologique n’est pas bonne.

Peter Yeadon a présenté SmartScreen, un matériau thermo-réactif qui régule le transfert de chaleur en s'assombrissant quand il y a du soleil et s'ouvrant quand il n'y en a pas. Un exemple de matériaux "vivants", utilisant les nanotechnologies pour modifier leurs propriétés.

VerandaSolar présentée par Capra J’neva propose d’apporter la technologie solaire à tous via des panneaux solaires portables que les gens peuvent brancher dans leurs maisons, sur leurs balcons.

Le choix final va être difficile.

Mise à jour : le vainqueur est Eben Bayer pour son Greensulate.

Citizen Media : quels modèles économiques pour les médias dont les contenus sont générés par les utilisateurs ?

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Sander Limonard, consultant pour TNO, nous interroge. Y’a-t-il un modèle d’affaire viable pour les médias citoyens ? (voire une ancienne version de sa présentation)

Que sont les médias citoyens ? Les médias citoyens sont des plateformes basées sur des contenus générés par les utilisateurs qui apportent une valeur publique ou sociale. Et de citer bien sûr YouTube, LastFm, Tivo, Vcam, MySpace... La valeur se fait sur le rôle des utilisateurs qui peuvent publier, critiquer, recommander, programmer ou surfer.

Dans le cadre des modèles économiques des contenus générés par l’utilisateur, ceux-ci ressemblent à la longue traîne. Le contenu professionnel original, la niche, correspond bien souvent au pique de la Long Traîne. Alors que les contenus générés par les utilisateurs à la queue. Reste pour la plupart des projets à trouver leur point d’équilibre économique qui est bien souvent entre les deux.

Les modèles de revenus sont nombreux :
- micro-publicité (YouTube, LiveLeak),
- affiliation (ZiZone, Tubantia Haaksbergen),
- meilleurs ventes (qualifier le contenu et le vendre, comme sur Revver, Mimoa),
- services premium (Habbo Hotel, Hyves),
- dons (les membres investissent, comme Wikipedia, Sellaband),
- le sponsoring (Nationale Burendag),
- focus sur le talent (revenus indirects) comme Popstar, Islandoo, Stoggi
- la loyauté des consommateur (pas de revenus, mais permettre aux gens d’interagir avec votre marque : Viacom, Kentucky FriedChiken).

Mais tous ces modèles ne sont pas adaptés aux UGC. YouTube a atteint une taille critique (80 % du marché de la vidéo partagée en ligne, 70 000 upload par jour), mais ont connaît ses difficulter à rendre son service rentable, à établir un partage des droits clairs, toutes les vidéos ne sont pas adaptées à supporter la publicité et le risque est de faire fuir les créateurs de contenus populaires qui ne sont pas suffisamment payés. On voit bien que ce n’est pas la meilleure stratégie en terme de modèle d’affaire.

Il faut trouver la bonne épaisseur de la traîne, explique-t-il. Et d’évoquer I-Report de CNN, un site qui permet aux internautes de publier de l’information non filtrée. i-Report, est la un moyen pour CNN de stimuler les internautes à publier du contenu de qualité en promettant aux meilleurs d’être publiés et diffusés sur CNN, ce qui assure une réelle visibilité et une certaine loyauté des contributeurs. Certes, comme on le voit toujours, seulement 1 % de la communité apporte véritablement de la valeur exploitable, ce qui suffit à CNN pour rendre le modèle d’affaire soutenable. CNN n’en tire pas de revenus directs, mais c’est une façon intéressante d’exploiter sa communauté. Autre exemple intéressant à creuser : Burendag, un site néerlandais dont le but est de stimuler les communautés locales à prendre des initiatives citoyennes de voisinage. Bien sûr, dans le flot de sites de ce type qui se développent, qui nécessitent du temps pour trouver leur modèle, tous ne résisteront pas, comme le montre la fermeture de Skoeps, un site de partage de photo allemand.

Pour Sander Limonard, hormis quelques rares plateformes globales, les business modèles fondés uniquement sur les UGC originales n’existent pas. La combinaison de contenus UGC et professionnels sont une solution plus vivable. Les modèles d’affaires pour l’UGC sont coûteux. La plupart implémentent des modèles de revenus mixtent pour couvrir leurs couts. Le défi est de trouver la bonne niche et de créer un double voie de dialogue entre les pro et les amateurs.


Edgar Franzmann travaille lui à NetCologne, une compagnie de téléphone allemande régionale qui emploi quelques 750 personnes et réalise 300 millions d’euros de chiffre d’affaire par an. Avec Koeln.de, le site officiel "pour" la ville de Cologne, ils sont les leaders des sites régionaux allemands (2 millions de visites mensuelles) – dont ils développent une version béta plus participative. Depuis longtemps, ils s’intéressent à la participation : ils ont lancé une communauté de tchat de forums dès 2002, on fait une expérience de blogs qui n’a pas marché et ont mieux réussi avec bz.Koeln.de, un site où les internautes publient leurs histoires avec l’aide de professionnels qui retravaillent leurs contenus. En voyant le succès de YouTube de portails vidéos nationaux comme Clipfish.de ou MyVideo.de lancés par des groupes médias allemands, ils ont eu l’idée de lancer un portail UGC régional couplant vidéos et photos. Pour NetCologne, l’opération avait pour but de développer des moyens d’intégration de contenus multimédias multisites, d’offrir une plateforme pour d’autres producteurs de contenus professionnels de la région, innover en trouvant de nouveaux modèles publicitaires et acquérir une expérience dans ces nouveaux types de médias. C’est ainsi qu’ils ont développé Rheinvideo.de, un portail de partage vidéo et photo régional autour de la région de Cologne et du Rhin, symbole unificateur de la région.

Reste à savoir comment réussir à faire de l’argent avec un tel portail. Et d’expliquer que la pub vidéo est évidemment mieux payées (10 fois plus que de la pub normale) (voir les slides de sa présentation .pdf). Reste que pour réussir son modèle économique, Franzmann doit développer des vidéos professionnelles. Pourquoi ? Parce que les vidéos pro ont une audience beaucoup plus fortes que les vidéos personnelles. Les vidéos personnelles ont tendance à générer de 10 à 100 vues en moyenne, alors que les vidéos professionnelles totalisent plus de publiques et peuvent plus facilement recevoir de la publicité. D’où le travail qu’ils réalisent depuis, en développant des partenariat régionaux avec d’autres fournisseurs de contenus régionaux comme des télés locales (Center.tv ou calli.tv) ou des radios (comme domradio.de, un programme religieux dont la dernière vidéo a totalisé 5000 vues sur rheinvideo alors qu’elle n’arrivait pas à 1000 vues sur YouTube). Une coopération qui n’est pourtant pas toujours bien vue d’autres médias locaux qui y voient une concurrence et le développement d’un monopole.

Pour lui, l’avenir est de réussir à faire de RheinVideo une marque régionale, et de développer leurs programmes pour le mobile ou via la télé par Adsl.

Autre exemple, plus orginal de média de niche, celui de MiMOA, My Modern Architecture, lancée par deux jeunes architectes qui avaient du mal à trouver des contenus en ligne sur l’architecture. Le site propose aux internautes de partager des photos ou des projets de bâtiments architecturaux originaux, en les géolocalisant. La communauté peut voter pour signaler ses préférences. Le site a recueilli quelques 3000 contributions depuis un an, et de nombreux architectes n’hésitent pas y exposer leurs projets. Les créatrices souhaitent développer des partenariats avec des guides touristiques, des médias et souhaitent développer des profils professionnels payants pour les agences d’architecture.

Mais le projet le plus stimulant, à mon goût, a été celui présenté par Marc Miletich de Sonovista, une société d’accompagnement de projets vidéos autrichienne qui a plusieurs projets de médias sociaux en vidéo : comme St Anna, un projet de télévision pour un hôpital, ou School Pirate.tv, un concept de télévion pour les jeunes. Mais ce n’est pas ceux-ci qu’est venu présenter Marc Miletich. Il est venu nous parler d’Engerwitzdorf, une petite communauté rurale autrichienne de quelques 8000 habitants, reliant une trentaine de villages (sans ville centre), une communauté dortoire à proximité de Linz, à la population en forte croissance. L’idée du projet était d’apporter un outil qui brise l’isolement d’une communauté éclatée et de construire une plateforme qui permette de réintroduire de la cohésion sociale. Pour cela, ils ont créé une télé locale, accessible via le câble. Ils ont créé des ateliers pour motiver la communauté et les accompagner dans la réalisation de films. Ces amateurs ont produits des contenus visiblement étonnants, éloignés des productions habituelles que l’on trouve sur les sites de partage vidéo. On y trouve des reportages, des vidéos sur les évènements réalisés par les associations locales, et des vidéos sur la nature et les voyages, sur les évènements sportifs et même quelques films expérimentaux. Au total quelques 70 heures de contenus locaux ont déjà été produits avec des films d’une durée de 8 minutes en moyenne.

Miletich pense qu’on verra fleurir des initiatives similaires un peu partout en Europe bientôt. L’orginalité de sa démarche est de vouloir prendre le contenu généré par les utilisateurs au sérieux. Certes, ce business n’est pas rentable prévient-il. Il s’appuie sur une petite communauté d’acteurs (en l’occurence, un club vidéo avec 5 retraités très actifs, qui drainent l’énergie des autres membres de la communauté locale, et qui les pousse à produire, confie-t-il). Conscient de ses limites, Marc Miletich n’en clame pas moins que le futur de la télé est social ! A voir son expérience et la qualité des quelques reportages qu’il a montré, on voudrait le croire.

Plusieurs des projets présentés sont financés dans le cadre du projet de recherche européen IST Citizen Media, un programme de recherche qui souhaite accompagner les initiatives en la matière, permettre aux utilisateurs de créer des applications en réseau et des expériences avec les contenus générés par les utilisateurs.

Intégrer des éoliennes dans les villes ?

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Eoliennes dans un parc de loisirsLe développement de l'énergie éolienne est limité, un peu partout, par la pollution visuelle que représentent les éoliennes dans les paysages - presque toujours ruraux - dans lesquelles on les installe. Le paysage devient "postmoderne", peuplé de pylônes, d'éoliennes, d'antennes, de capteurs et d'autres équipements techniques - sans parler, naturellement, des routes. Les éoliennes s'imposent aux paysages comme des machines issues de l'ère industrielle.

Il faut repenser la signification de ces turbines dans les paysages, nous explique Hans van Houwelingen. Et les Pays-Bas, pays de moulins, pourraient être mieux placés que d'autres pour imaginer les formes adéquates...

"Pourquoi ne pas faire des éoliennes dont on soit fiers ? Pourquoi s'excuser, chercher en vain à les rendre invisibles, multiplier les règles protectrices plutôt que d'imaginer des formes créatives d'intégration de ces formidables machines dans nos environnements humains ?"

Le point de départ de la démarche de Hans van Houwelingen est qu'en réfléchissant autrement à leurs formes, les éoliennes pourraient sans doute s'intégrer plus aisément dans les villes. Il imagine par exemple des éoliennes de très grande taille qui s'intégreraient dans la "skyline", la ligne d'horizon produite par les gratte-ciels urbains. Dans un parc de loisirs, des éoliennes capables de traduire en couleurs diverses l'énergie produite deviendraient des éléments du décor ludique et permettraient de "sentir" leur fonction de manière sensible. Des bâtiments mixtes, à la fois tours et turbines, pourraient être imaginer. Des villes isolées pourraient marquer leurs entrées d'énormes piliers-éoliennes.

Ou bien on pourrait installer des éoliennes le long des autoroutes, pour rythmer visuellement (et verticalement) leur architecture horizontale.

Autre idée, puisque la campagne n'est plus un lieu de production, certains paysages pourraient être restructurés pour intégrer visuellement les éoliennes, plutôt que l'inverse. Le lien entre l'éolienne et son environnement peut encore s'étendre. Hans van Houwelingen propose par exemple des éoliennes noires installées en bordure de cimetierres, rouges et jaunes et combinées aux panneaux routiers qui annoncent des restaurants rapides...

Il y a aussi d'autres dessins de turbines, adaptés à des circonstances diverses. Mais la réflexion de van Houwelingen porte plutôt sur le sens culturel des turbines. "Quand on conçoit un immeuble, on réfléchit à son intégration urbaine. Apprenons à faire de même avec un équipement aussi utile qu'une turbine éolienne !"

Et pourquoi vous racontons-nous cela ? Parce que cela prend place pendant PICNIC. Et pourquoi parle-t-on de cela à une conférence sur le numérique ? Parce que le durable est au coeur de PICNIC et de beaucoup d'initiatives issues de cette communauté. Parce que l'intégration des systèmes "durables" dans les paysages, dans la vie quotidienne, dans les modèles économiques, dans les relations sociales, est la condition - aujourd'hui sous-estimée - de leur réussite. Enfin, parce que cette présentation s'intègre dans un atelier, le Green City Lab, qui s'intéresse aux FabLabs, aux productions hyperdécentralisées d'équipements et de produits, qui remettent en contact l'innovation numérique "2.0" et la production d'objets physiques, de machines, et même d'énergie...

Do you pique-nique ?

Nous avons raté les plénières de ce matin, volontairement. Geneviève Bell a fait une présentation sur un thème assez proche de ce qu’elle avait à Lift. Et nous verrons Clay Shirky aux Entretiens du nouveaux mondes industriels la semaine prochaine (et oui, encore du liveblogging de prévu). Le temps de remettre en forme et d’ajouter quelques liens sur quelques notes sur un atelier de ce matin et nous reprendrons le direct cet après-midi. Merci.

mercredi 24 septembre 2008

Le développement urbain durable et connecté : un chemin plus tortueux qu'il n'y paraît

L'initiative pour le "développement urbain connecté" (Connected Urban Development, CUD) que promeut Cisco frappe d'abord par son ambition et par le niveau d'engagement qu'elle a obtenu de 7 grandes métropoles mondiales. Le maire d'Amsterdam a consacré toute sa matinée et son dîner du 23 septembre à la conférence associée à ce programme ; le maire de Lisbonne a fait le déplacement ; Manoel Barroso, président de la Commission européenne, et Viviane Reding, commissaire à la Société de l'information et aux Médias, ont envoyé un message vidéo. Chacune des villes associées a engagé un ou plusieurs projets de grande ampleur : un réseau de télécentres de proximité, un système de péage urbain, des bâtiments verts, flexibles et intelligents, une production et une distribution d'énergie décentralisées…

Si ces projets réussissent, ils peuvent avoir une incidence significative sur la consommation d'énergie, les congestions urbaines, la pollution. Le programme cCUD ontribue à placer la question du développement durable plus près du cœur des préoccupations des décideurs, tant publics que privés. Il illustre le potentiel des technologies pour répondre de manière innovante aux défis environnementaux. Il démontre que le développement durable ne s'oppose pas à l'économie. Pour toutes ces raisons, son apport est incontestablement positif.

Mais pour que son apport demeure durablement positif, il lui faut rapidement élargir son point de vue. La succession des interventions lors de la conférence d'Amsterdam, ainsi que la forme même de l'événement, illustrent en effet de manière assez crue les difficultés de la rencontre entre le développement durable, le monde de la grande entreprise et enfin, les technologies et les cultures numériques.

L'environnement contre le social ?

Des "trois piliers" désormais classiques du développement durable (environnemental, économique et social), le social a disparu de la conférence. Les stratégies durables s'y décrivent dans un monde sans conflits, sans tensions, sans inégalités criantes, sans rapports de force entre employeurs et employés, sans services publics et provés qui disparaissent des quartiers difficiles... Les quartiers verts et les nouveaux développements urbains s'adressent aux classes moyennes supérieures. Les télécentres hébergent les travailleurs non postés du savoir.

Je force un peu le trait, à dessein. L'environnement semble clairement remplacer le social comme enjeu collectif, au prix, parfois, d'une candide admission des inégalités, voire du prix à payer (par qui ?) pour avoir une ville durable : différencier les services et les zones de vie, assigner les habitants à résidence dans leurs grands ensembles éco-conçus, accepter de travailler depuis chez soi en "homesourcing" sous peine de voir l'activité se délocaliser à l'étranger…

Le risque apparaît clairement : si l'objectif environnemental occulte (ou renforce) la brutalité des tensions urbaines, alors, non seulement il ne sera pas atteint, mais la situation finale pourrait s'avérer plus mauvaise que celle du départ.

Une informatique trop raisonneuse

La plupart des applications numériques présentées pendant la conférence tournent autour de la mesure, du contrôle, de l'automatisation et de l'optimisation. On modélise et planifie, ou capte, mesure et cartographie, on pilote, facture et sanctionne, on calcule, minimise et organise… L'informatique classique, celle des processus, excelle dans ce domaine et il est logique qu'on l'emploie à cette fin.

Organisation thématique du programme CUD
La ville apparaît donc, en creux, comme un simple système, certes complexe, mais qu'il s'agirait simplement d'optimiser. La spontanéité de ses habitants, le caractère imprévisible de ses actions, la déraison qui fait se déplacer très loin pour trouver un bon restaurant, ne font pas vraiment partie de ces projets très raisonnables, voire raisonneurs. Au point, par exemple, que le problème que pose un système intelligent de péage urbain qui suit à la trace chaque véhicule, en termes de vie privée, n'apparaît pas spontanément à ses promoteurs.

Il y a plus : quand on optimise, on tend naturellement à considérer le système à optimiser comme une donnée. Autrement dit, on ne s'interroge pas, ou peu, sur son périmètre. Aux problèmes de mobilité, on apportera des solutions en termes de transports et de tarification, à la rigueur de télétravail – mais on travaillera fort peu sur les temps, sur la flexibilité des espaces, sur l'invention de nouvelles formes de proximité…

6 milliards d'absents ?

Enfin, jusqu'à l'intervention in extremis de J.D. Stanley, responsable de l'activité "secteur public" de Cisco, qui rendait compte de travaux exploratoires communs avec le Mobile Experience Lab du MIT (Etats-Unis), j'ai bien cru que les citoyens resteraient définitivement à la porte de ces projets de ville durable… De même que la conférence, y compris pendant les sessions plus petites, laissait fort peu de temps au débat, les projets présentés descendent, ils font le bien des citadins pour eux, parfois même un peu contre eux. Ils ne sont guère consultés, ils participent encore moins à les définir, quant à en être coproducteurs… La technocratisation de l'écologie accompagnerait-elle aussi rapidement son arrivée au cœur du débat public ?

Le Mobile Experience Lab se focalise sur l'expérience personnelle et sociale de l'usage des technologies en environnement urbain. Sa collaboration avec Cisco a inévitablement emmené le programme CUD sur un autre terrain, celui des échanges, de la participation, de la collaboration, de l'innovation ouverte. Alors que les autres projets du programme Connected Urban Development sont en phase de prototypage ou de test, il ne s'agit ici que de scénarios. Mais c'est un premier pas.

Suivre PicNic

Pour suivre PicNic, vous pouvez aller sur le blog officiel et le live report de l'évènement. De nombreux experts et blogueurs sont présents et pratiquent le live blogging comme Ethan Zuckerman, Bruno Giussani, Ernst-Jan Pfauth et Boris Veldhuijzen van Zanten du Next web...

A demain !

Jiry Engeström : Nos objets sociaux

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

"Les gens ne se connectent pas au hasard", nous explique Jiry Engeström, le fondateur de Jaiku. "Ils se connectent à travers d’objets avec lesquels ils partagent leurs centres d’intérêt".

La plupart des services sociaux qu’on utilise quotidiennement nous permettent de partager des objets que ce soit de la musique avec last fm, des évènements sur Facebook, des signets sur delicious, des livres sur LibraryThing, des photos sur Flickr. Sur SoundCloud par exemple, on échange ses compositions avec des collaborateurs pour les évaluer, avoir le ressenti des uns et des autres sur tel passage ou tel autre.

Ci-dessous, les slides de Jiry lors de sa présentation du sujet au dernier Reboot, très proches des slides qu'il a présenté tout à l'heure.

Nous devons découvrir de nouveaux objets sociaux ou plutôt des objets centrés sur la sociabilité, explique Jiry. Nos outils mobiles ou connectés permettent de mettre en valeur des objets qu’on ne partageait pas avant : les messages textuels permettent de partager des émotions sur Twitter, Bluetooth sa présence, etc. "C’est pourquoi les objets sont intéressants" : leur fonctions mêmes nous permettent de partager.
Quand on utilise un service on définit "ses verbes", c’est-à-dire les actions que l’on peut faire avec. Cela introduit une "vision sociale périphérique" : sans signaux des intentions des autres, serons-nous encore capable de prendre des décisions, de bâtir des projets, de décider où nous rendre... ?

Dans les 24 prochains mois, les services que nous utilisons vont tous devenir sociaux, prédit Jiry. Il va nous falloir imaginer un monde physique où nous aurons autant voire plus d’information périphérique à notre disposition que dans World of Warcraft. Reste à savoir à quoi dois-je faire attention de ce qu’il se passe autour de moi : pour que l’information m’arrive au bon moment.

Stefan Agamanolis : Pour des technologies lentes

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

Stefan Agamanolis est directeur du Distance Lab, un laboratoire de recherche sur la distance dont l'objectif est d’interroger les limites des relations distantes à l’heure des outils de communication et de connexion permanente, que ce soit dans le domaine de l’apprentissage, de la santé, des relations, de la culture...

En réaction au Fast Food - disponible partout à tout moment, global, efficace, tolérable, générique, robotique, solitaire, moderne, rapide... -, est apparu le mouvement Slow Food, qui prône d’autre valeurs pour l’alimentation comme le plaisir, la qualité, le local, des produits sains, l’importance de prendre le temps de manger, une ambiance, une personnalisation, l’intimité, l’humanité, la communauté, la tradition... Le téléphone mobile est un peu comme le Fast Food de la communication, utile pour tout type de communication. Mais que pourraient-être des communications "lentes" ? C’est-à-dire non pas forcément des communications non rapides, mais des communications qui mettraient au coeur de leurs fonctionnements d’autres valeurs que la rapidité, l’efficacité qui fondent aujourd'hui nos technologies ?

Stefan Agamanolis évoque alors plusieurs projets, comme le concept d’IsoPhone des artistes James Auger et Jimmy Loizeau, qui propose une communication sans distraction aucune. Les personnes qui s’appellent sont plongées dans des piscines et portent des casques qui leur permettent de communiquer tout en flottant. Une immersion qui concentre l’écoute en créant une atmosphère particulière qui peut certes paraître folle, mais qui offre une réelle pause dans la façon dont nous communiquons. Stefan Agamanolis évoque également un autre projet étonnant – Mutsugoto - de communications intimes, dont l’interface est une chambre et qui permet à un couple de rester connecté à distance, en échangeant via des interfaces lumineuses.

Pour Agamanolis, nos objets pourraient aussi s’inspirer de la tradition, en réaction à la course à la modernité et le côté sportwear de nos outils technologiques, comme le montre le projet Solar Vintage : une collection de broderies, de broches, d’ombrelles et d’éventails communicants. Les communications "lentes" pourraient aussi nous aider à conserver la forme, comme le fait très bien le sport, en évoquant le projet Remote Impact (que nous avions déjà évoqué), qui permet de cogner et taper à distance.

Le laboratoire de Stefan Agamanolis semble recéler bien d’autres projets intéressants, notamment à destination des seniors. Le Distance Labs organise le 13 novembre une journée autour des technologies lentes (Slow Technology) qui doit valoir le déplacement jusqu’en Ecosse.

2025 : portraits des citadins de la "ville visible"

Du 24 au 26 septembre, à Amsterdam, Hubert Guillaud et Daniel Kaplan participaient à PICNIC, un "rassemblement d'esprits créatifs au confluent des médias, des technologie, des arts et de la culture". PICNIC est à la fois un événement, une conférence, une série d'ateliers et un réseau. Les notes qui suivent tentent de rendre compte de quelques-uns de ses moments forts.

Lorenzo de RitaA l'occasion de l'atelier sur la "ville visible" de PICNIC, Lorenzo de Rita, qui est l'un des publicitaires européens les plus primés, avait accepté une commande un peu particulière : partir en voyage dans le temps vers le 15 juillet 2025, y rencontrer des habitants de cette "ville visible" que raconte l'atelier du même nom à PICNIC, et revenir nous le raconter. Il en a ramené une saisissante galerie de portraits (photographiés par Krijn van Noordwijk) qu'il faut prendre le temps de découvrir, avec leurs courtes légendes biographiques : Pierre, le chef aux deux étoiles qui n'utilise que des ingrédients entièrement traçables ; Jan, dont le métier est d'enlever les panneaux de signalisation routière maintenant que celle-ci s'affiche directement sur le pare-brises des automobiles ; Floris, dont la société produit des idées neuves, mais uniquement par accident ; Mei Chi, professeure d'intimité électromagnétique ; Jeremy, qui s'est fait refaire une identité pour pouvoir rejouer au poker après avoir été dénoncé comme tricheur...

Photo Krijn van NoordwijkOn ne saurait résumer le portrait plutôt sombre qu'il trace de la ville visible et de ses habitants autrement que par bribes. Parce qu'on sait tout dans cette ville, qu'on en sait tout, elle ne laisse rien à l'imagination. Le moindre grain de café est étiqueté et tracé. Nous mesurons tout, nous calculons tout. Une Banque de la vie privée stocke tout ce qui concerne chacun d'entre nous et nous aide à en négocier et à en tracer les usages. Si nécessaire, nous pouvons nous racheter une identité complète.

L'intimité devient un combat, ou bien un service qui se vend. Il existe tout de même des entractes urbains, des périodes de 15 mn pendant lesquelles aucun message commercial n'est autorisé, ni sur les écrans ou les panneaux de pub, ni sur les mobiles, ni dans les implants ou sur les pares-brises... On imagine aussi des cafés non-pub, comme il y eut (avant la prohibition) des cafés non-fumeurs. Les individus, ou des groupes d'activistes, ou encore des entrepreneurs malins, inventent toutes sortes de manière de se donner de l'air dans un monde ultra-technologique : des montres qui ne font que dir s'il fait nuit ou jour (et auxquelles il arrive de se tromper), des cures contre l'overdose de tags.

Comme plus personne n'aura le temps de penser, les découvertes seront toutes accidentelles, sélectionnées par essais-erreurs en grandeur réelle. On ne demandera plus à un "créatif" des idées, il y en a trop, mais un "point de vue", un endroit d'où considérer le monde. Et de ce point de vue, ce qui comptera ne sera plus qui l'on est, mais où l'on est. Cette ville inhumaine n'est-elle plus qu'un espace ?

On voit, bien sur, où le "créatif" (c'est sa désignation de poste, même s'il ne l'aime guère) veut en venir : un tel monde n'a pas besoin de créativité, n'a que faire de l'imagination. Ce qui ne serait pas déprimant que pour Lorenzo de Rita...

Aaron Koblin : créer à l’heure du 2.0

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

L’artiste Aaron Koblin présente The Sheep Market, une collection de 10 000 moutons dessinés par des utilisateurs de l’Amazon Mechanical Turk, cette “place de marché du pauvre” qui propose à tout internautes de réaliser de petites tâches contre une rétribution tout aussi faible. Chaque dessinateur a été payé 2 cents pour dessiner un mouton tourné vers la gauche. En 40 jours, il a récolté quelques 10 000 moutons, dessinés en moyenne en moins de deux minutes, à un rythme de onze moutons à l’heure par 7599 adresses IP différentes (ce qui signifie que certains ont dessinés plusieurs moutons). Une oeuvre collective dont il a tiré une animation sans fin qui interroge notre productivité collective et le rapport à l’art, à l’heure du crowdsourcing.

Pourquoi des moutons ? Parce que les moutons sont une icône culurelle et historique. La force du symbole et bien sûr, la référence au Petit Prince. En rappelant les Temps Moderne de Chaplin, Koblin interroge la façon dont nous créons à l’ère industrielle. Les gens le faisaient uniquement pour les quelques centimes qu’ils en retiraient.

Il a renouvelé l’aventure avec le Ten Thousand cent, une création qui consistait à faire dessiner par des centaines d’individus travaillant isolément le visage de Benjamin Franklin qui orne le billet de 100 dollars. Et de terminer en musique sur sa dernière création : le clip de House of Cards, de Radiohead. Dont la particularité a été d'utiliser des lasers et des capteurs pour scanner en trois dimensions, sous forme de particules, le groupe. Le code et les données ont été placées en open source sur Google Code et déjà, des remixages sont apparues sur le net.

PICNIC : Regarde la ville vivre

Du 24 au 26 septembre, à Amsterdam, Hubert Guillaud et Daniel Kaplan participaient à PICNIC, un "rassemblement d'esprits créatifs au confluent des médias, des technologie, des arts et de la culture". PICNIC est à la fois un événement, une conférence, une série d'ateliers et un réseau. Les notes qui suivent tentent de rendre compte de quelques-uns de ses moments forts.

La demande d'informations sur la "dynamique urbaine" croît. Combien de personnes se trouvent dans telle zone ? Où y a-t-il des embouteillages en formation ? Combien de personnes entrent et sortent de tel quartier ? Quelle quantité de CO2 a-t-elle été émise ? Qui a vu telle annonce ? etc. Les réponses ont des implications en matière d'urbanisme, de transports, mais aussi de sécurité, de gestion de crise, etc.

Le trafic téléphonique à AmsterdamLe travail mené autour d'Amsterdam, que présentait Euro Beinat, directeur de la Sensible Future Foundation à l'université de Salzbourg, a consisté à explorer le "comportement collectif de la ville", partir de celui des individus qui la parcourent. Le réseau télécoms est donc le bon support pour mener ces études, et l'équipe a travaillé avec l'opérateur KPN. Les études peuvent se fonder sur des données agrégées, on ne peut pas connaître un individu en particulier.

L'un des enjeux du projet "Visible City Amsterdam" a consisté à inventer des formes de visualisation. L'équipe a travaillé en collaboration avec le Senseable City Lab du MIT, qui avait déjà exploré ces questions au travers de projets pionniers tels que New York Talk Exchange et Real Time Rome.

Sur un grand modèle de la ville, des colonnes jaunes s'élèvent depuis différentes zones d la vie, traduisant l'activité d'envoi des SMS. On peut voir la ville vivre à travers ces envois, de jour en jour, de minute en minute : des pics, des creux, des zones mortes, d'autres qui vivent intensément certains jours ou à certaines heures et qui n'existent plus le reste du temps.

Il devient donc intéressant d'observer, pas seulement la ville dans son ensemble, mais des zones particulières, dont on va représenter différemment le trafic, par rapport au travers de courbes temporelles. Un centre d'affaires, un lieu touristique, une gare ont ainsi des "signatures" très particulières. Et bien sûr, ces dynamiques interagissent : en semaine, les pointes à la gare précèdent ou suivent de peu les pointes des quartiers d'affaires, etc. On peut bien sûr tracer des courbes sur des périodes courtes ou longues, comparer plusieurs courbes de plusieurs lieux...

Les mêmes données injectées dans des modèles d'analyse statistique permettent, par exemple, d'anticiper le trafic à venir sur des zones, de travailler sur les flux d'un endroit à l'autre, etc.

Et peut-on enrichir l'analyse ? Un premier objectif consiste à séparer les piétons, les cyclistes et les automobilistes. C'est probablement assez facile à partir de leur manière de se déplacer (vitesse, régularité, etc.) et cela peut produire des informations très riches sur le trafic, les problèmes, les émissions polluantes.

Charles Leadbeater : créer les conditions de la créativité de masse

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

On ne présente plus le penseur Charles Leadbeater, conseiller de Tony Blair, l’ex-premier ministre britannique, et auteur de We Think, l’innovation de masse, qui ouvre la 3e édition de PicNic, en revenant sur la puissance de la collaboration (cf. "Où sont les coopérations fortes").

Pour lui, la nouvelle dynamique de la créativité et de l’innovation en ligne a d’abord un impact social, plus que technologique ou économique. "On ne présente plus la qualité de la créativité sur le web", explique Leadbeater en nous projettant une vidéo de 5 minutes d’un gamin qui joue excellemment de la guitare, vue par 49 millions de personnes. Des gamins comme celui-ci peuvent aujourd’hui créer, montrer ce qu’ils font et toucher un public inimaginable. Le monde des médias est fait de frontières, qui délimitent des modèles d’affaires, des publics. Selon lui, les frontières entre ces mondes vont disparaitre, comme le montre ces vidéos accessibles partout et par tous.

Mais comment faire pour créer des choses ensemble, qui aille au-delà des bulles de créativité individuelles que nous sommes capable de lancer sur le net ? Comment créer des choses plus complexes, ensemble ? Ne plus seulement participer, mais collaborer ? Comment utiliser ces nouvelles formes de collaboration pour créer, pour jouer, pour apprendre, pour faire du développement durable, pour soigner ?

Ces nouvelles formes d’organisation interrogent les anciennes. La plupart des formes de créativité ne sont pas individuelles, mais collaboratives. On créé parce qu’on intègre, mixe et developpe de nouvelles idées à partir d’anciennes.

Pour passer aux formes collaboratives, selon lui, il faut quatre conditions :
1.Besoin de diversité. Il faut de la collaboration entre des gens qui pensent différement, qui ont des points de vue différents. La diversité est la clef.
2.Faire que les gens contribuent. Offrir des outils simples pour développer et faciliter la contribution, à la manière du Wiki de Wikipédia. Ces activités ont besoin d’être conçues pour être partagées et ont besoin d’avoir des interfaces adaptées.
3.Il faut créer des buts communs et aussi des buts pour chacun. Trouver des moyens pour impliquer les gens dans le projet, ensemble. Créer des buts et un sens qui les rassemble. Créer des "communs" qui les attire.
4.Il faut enfin inclure des instructions, que les gens puissent moduler des instructions, organiser leurs contributions, avec des règles claires.

Pour éviter le danger de l’uniformité et du consensus et trouver une voie plus créative et collaborative, il faut en créer les conditions, martèle l’expert britannique. Et de s’enhousiasmer des pratiques des jeunes scientifiques - qui partagent et jouent des données, utilisent les outils d’aujourd’hui pour collaborer - qui donnent un aperçu de ce que sera le futur. "La création collaborative est plus intense et continue qu’avant", lance-t-il.

Cela implique deux autres règles pour mieux intégrer la collaboration dans les organisations :

- Les organisations faisaient des choses FOR you et maintenant elles vont le faire maintenant TO you.
- Les organisations doivent se poser profondément la question de comment travailler et apprendre avec les autres. Que ce soit dans les domaines de la médecine, de la politique, de l’enseignement, il faut penser ce que nous faisons avec les autres.

Pour lui, l’internet nous permet de créer des conditions et des façons de travailler plus créatives, plus innovantes. En tout cas, l’opportunité est là. Peut-on changer les choses avec l’internet ? Et de citer une réponse de Tim Berners Lee qu’on interrogeait sur cette masse de transformations sociales dont internet nous submerge : "Le danger n’est pas d’en demander trop à l’internet, le danger est de n’en demander pas assez."