mardi 23 septembre 2008

Mobilité durable : du politiquement incorrect au carrément inquiétant...

Notes prises lors de la conférence du programme "Connected Urban Development", organisée par Cisco à Amsterdam, les 23 et 24 septembre 2008.

Le premier atelier sur "mobilité durable et connectée" de la conférence "Connected Urban Development" se consacrait à deux types de projets : le péage urbain "intelligent" à Séoul et Amsterdam, et le "bus connecté" de San Fancisco.

Inventer un bus de première classe ?

Todd Litman, directeur du Victoria Transport Policy Institute (Canada), présentait l'expérimentation "Connected bus" en cours à San Francisco. La question de départ : et si le bus, que l'on considère aujourd'hui (en Californie du moins) comme la moins plaisante des solutions de mobilité, devenait pratique, agréable et populaire ? Et même : comment pourrait-on convaincre, non pas les pauvres, mais ceux qui en ont les moyens, d'abandonner leur automobile pour prendre le bus ?

La réponse : un bus pensé sur le modèle des classes affaires en avion, plutôt que des classes économiques. Géo-localisé pour indiquer quand il arrive à la station ou, quand on est assis dedans, en combien de temps il nous mènera à destination. Connecté, pour offrir l'internet à bord, mais aussi pour coordonner les feux afin de circuler plus vite. Un bus vidéosurveillé, qui valide automatiquement le titre de transport sans fil, où les sièges spacieux sont équipés d'un petit écran, où l'on trouve un distributeur de boissons et un chauffeur dont la performance est suivie de près par la compagnie...

Le 'bus connecté'

Les résultats : un bus plus rapide, plus fiable et mieux connecté aux autres modes de transport, plus agréable. Autant de réponses aux principaux obstacles qui s'opposent à l'usage des transports collectifs. Au prix, que Litman admet mais considère comme nécessaire si l'on recherche un réel impact environnemental, de la création d'un transport public à deux vitesses.

Cela marchera-t-il ? L'évaluation de l'expérimentation est en cours.


Un péage urbain (trop ?) intelligent

Les péages urbains intelligents de Séoul et d'Amsterdam, qui s'apprêtent à entrer en phase d'expérimentation, se ressemblent beaucoup. Plutôt que de reposer sur des postes de péage aux entrées des villes (qui créent par eux-mêmes des embouteillages) ou, comme à Londres, sur l'installation de caméras qui lisent les plaques d'immatriculations des véhicules qui entrent dans la zone payante, ils s'appuient avant tout sur la géo-localisation des véhicules. Un appareil GPS dans l'automobile déclenche le péage lorsque le véhicule entre dans une zone payante. Le prix peut dépendre de la zone, de l'heure et de la distance parcourue. Un tarif distinct, fonction du temps, peut s'appliquer lorsque le véhicule est garé.

Le système est plus précis que ses concurrents, plus juste aussi : on paye en fonction de son usage des ressources limitées de la voirie. Mais il suppose que les autorités disposent du droit de suivre tous les déplacements de toutes les automobiles de la ville. La question de la vie privée a-t-elle été discutée ? Aura-t-on le choix d'installer le boîtier GPS ou non ? Ma question gêne un peu. Les Coréens de la tribune indiquent qu'ils n'ont pas encore de réponse à cette question. L'intervenante de la municipalité d'Amsterdam est un peu plus claire : en 2012, une loi devrait rendre l'équipement GPS des véhicules obligatoire, pour permettre l'application nationale du péage intelligent. Et la loi "prendra en compte les questions de vie privée".

Me voilà pleinement rassuré... enfin, un peu plus, en réalité, lorsqu'un membre de l'équipe Cisco associé au projet de Séoul m'indique, en aparté, que le sujet les préoccupe en fait beaucoup. Ils réfléchissent à deux réponses complémentaires. D'une part, on pourrait avoir le choix entre payer une taxe urbaine fixe et installer le boîtier, grâce auquel on paierait en principe moins cher. D'autre part, le système ne transmettrait aux applications de facturation (et aux autorités) que des données agrégées, par exemple le nombre de km parcourus.

Le problème est donc au moins pris en compte. Reste les données détaillées existeront évidemment quelque part, ne serait-ce qu'en cas de contestation. Combien de temps urbanistes, marketeurs, transporteurs et policiers pourront-ils résister à la tentation de s'en servir ?

Tout de même, on se demande parfois ce que devenir "durables" peut justifier ou non...

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