mercredi 10 septembre 2008

Vieillissement et design :Jusqu'où étendre l'idée de "design universel" ?

A Montréal, du 5 au 7 septembre 2008, Carole-Anne Rivière, directrice du programme d'action "Plus longue la vie.net", et Daniel Kaplan, délégué général de la Fing, ont participé à la 9e conférence mondiale sur le vieillissement, autour du thème "vieillissement et design". Ils partagent ici leurs notes à peine retravaillées sur les plus intéressantes interventions de la conférence.


Dernier intervenant d'une table ronde sur "l'extension du design universel, de l'environnement bâti jusqu'à la structure d'une société inclusive", le designer new-yorkais Jonathan Kaufman a brusquement mis le feu aux poudres.

Né avec une paralysie cérébrale, Kaufman a conquis son handicap et l'a retourné en mission. Il dirige actuellement DisabilityWorks, une société qui conseille les entreprises et les pouvoirs publics sur "les stratégies qui améliorent la vie des personnes handicapées ou âgées, par le développement des forces de travail et l'expansion des marchés."

Pour lui, "tout le monde a parlé du design universel pendant cette conférence sur le vieillissement et le design, mais il reste difficile de le définir."
Il faut en tout cas ne pas le restreindre aux produits et à l'environnement physiques, mais à toute notre expérience quotidienne.
Mais alors, tout ne marche pas pour tout le monde.
Toute relation est politique. Mettre l'accent sur le simple "design universel" masque les très nombreux choix et arbitrages qui devront être faits.
Par exemple, il ne s'agit pas nécessairement de rendre les gens 100% autonomes. Pour beaucoup de gens, le design universel sert à rendre les utilisateurs indépendants. Mais l'interdépendance a quelque chose d'essentiel. L'assistance est une attitude vitale. Et notre monde connecté est de plus en plus interdépendant.
On ne peut plus penser au design universel sans prendre en compte l'importance des réseaux et des mondes virtuels. Le design n'a pas nécessairement pour rôle de permettre à l'utilisateur d'être seul avec son produit ou service. S'il provoque de l'échange au travers d'une relation d'assistance ou d'apprentissage, cela peut être tout à fait positif.
Par ailleurs, la différence a une valeur. Il faut donc se garder des "universels" et prendre en compte les caractéristiques et l'histoire de chaque personne.
En définitive, le design "universel" ne se fonde-t-il pas sur des prémisses erronées ? Tout ne peut pas marcher pour tout le monde. Tout repose sur des compromis.

Ces quelques propositions, formulées avec humour et dans une constante sollicitation de la salle, allaient déclencher une tempête dans ladite salle. Certains y trouvaient visiblement confirmation de leurs doutes devant un concept trop lisse, trop consensuel – ou pour un participant, trop contradictoire avec la tendance omniprésente à la personnalisation et l'individualisation. Pour d'autres, universel ou pas, il manque un but supérieur – par exemple la survie de la planète. D'autres traitent en substance Kaufman de cynique, ou lui reprochent d'évoquer les technologies numériques qui supprimeraient de la relation humaine.

On ne conclura pas ici. Si ce n'est sur un point : qu'il ait suffi des quelques remarques de Kaufman pour déclencher des réactions aussi fortes montre sans doute que l'idée de "design universel" est moins simple, moins consensuelle qu'il n'y paraît. Il faudra y revenir.

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