Deux types de dispositifs d'urgence
Pour simplifier, on trouve deux types de dispositifs.Le premier, incarné lors de la session par la société canadienne Gescloc et son système Everclose, s'appuie sur des capteurs et un boîtier que porte la personne âgée. Plus élégant et moins contraignant que les autres, celui-ci prend la forme d'un pendentif. A l'inverse de beaucoup de ses concurrents qui fournissent aux personnes âgées un boîtier disposant d'un "bouton d'urgence" (panic button – qui peut être oublié, ou se situer trop loin quand on en a besoin), Everclose ne nécessite ni apprentissage, ni changement des habitudes. Il reconnaît tout seul les chutes légères (dont on se relève tout seul) et sévères, les périodes de sommeil et celles d'immobilité problématique, le fait qu'une personne atteinte d'Alzheimer s'éloigne d'une manière imprévue du domicile, etc. Sa problématique est au fond de se faire oublier, tout en distinguant de manière fiable les fausses alarmes des vrais problèmes.
Le second type de système, dont Jacqueline Rousseau de l'Ecole de réadaptation de l'université de Montréal présentait une forme avancée, repose sur la surveillance vidéo du domicile. Son système intelligent de suivi vidéo reconnaît les urgences. Lorsqu'une caméra détecte un événement anormal (et seulement dans ce cas), le système envoie (par mobile ou autres voies) une image à un destinataire défini à l'avance. Si la personne ne se relève pas, ou si elle ne répond pas à l'appel de la personne de sa famille qui a été prévenue, alors le centre d'urgence est appelé, peut voir l'image et faire intervenir les secours.
Le système vidéo semble bien accepté et est perçu comme un réducteur de stress, un accélérateur des interventions et enfin (pour les professionnels), une manière de mieux comprendre les facteurs qui déclenchent des chutes.
Interrogés sur leur volonté d'utiliser le système, les aidants sont très nombreux à le souhaiter, les personnes âgées moins (43%). Est-ce une inquiétude sur leur vie privée, ou comme l'analyse Jacqueline Rousseau le sentiment qu'elles ne sont pas encore dans une situation où les chutes deviennent un danger majeur ? Il y a aussi une inquiétude sur la nature de l'image transmise (floutée ? sûre ?...).
Des systèmes conçus sans leurs utilisateurs ?
Mais les personnes âgées sont-elles associées à la conception de ces systèmes qui les concernent ? Il semble bien que non, si l'on en croit l'étude du jeune chercheur Scott Paquette, de l'université du Maryland.La référence scientifique est "relevant but absent" (concerné mais absent), un concept développé dans le champ de la construction sociale des technologies (SCOT). Les chercheurs ont travaillé avec une entreprise canadienne qui commercialise un système classique de gestion d'urgence (bouton d'urgence, centre d'appels, etc.).
Le constat est net :
- On ne cherche pas beaucoup à impliquer les personnes âgées dans la conception – éventuellement, on s'intéresse à leur retour après le lancement.
- Même quand on a des retours d'information de la part des utilisateurs, ils n'influent pas sur le design lui-même, au mieux, parfois, sur les manuels ou la communication.
- Les employés de l'entreprise savent qu'ils n'utilisent pas cette information potentielle comme il le faudrait, mais cela ne change rien…
Un système complet, voire trop complet
Les questions posées par Paquette prennent une actualité particulière à la vue du projet tchèque Senior Blue Light, présenté par Jan Lorman (.pdf).A la base, on a un service d'urgence classique (Areion emergency care) : un bouton d'urgence (et un système de reconnaissance d'immobilité au cas où le bouton ne peut pas être poussé) qui déclenche un appel à un centre d'urgence qui mobilise ensuite les personnes adéquates. Mais l'objectif du projet, soutenu par un important consortium d'entreprises telles qu'Intel, Microsoft, etc., est de transformer ce service en un portfolio complet de services aux personnes âgées et handicapées, à l'échelle du pays entier. Le dispositif relierait les personnes âgées, leur famille, les aidants, les systèmes de santé, les pharmacies, les banques et les assureurs, etc. En situation normale, le système fournirait une très vaste gamme de services (santé, information, banque, apprentissage, shopping…) et des moyens de communication autour du téléviseur ; en situation d'urgence, il se reconfigurerait autour de l'essentiel. Une infrastructure nationale de réseaux et de centres d'appels et de services à étages, du local au national, appuierait le dispositif.
Interrogé (par nous) pour savoir s'il s'agissait d'un projet "officiel", en phase de lancement, Jan Lorman nous explique posément que non, mais qu'ils espèrent obtenir ce statut, notamment pour exploiter un réseau qui couvre très bien tout le pays, celui du ministère de l'Intérieur…
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