vendredi 26 septembre 2008

Vois-tu ce que je sais ?

En direct de PicNic, la conférence hollandaise sur la créativité et l’innovation dans les nouvelles technologies.

La visualisation de grands volumes de données était au centre de plusieurs ateliers et présentations de PICNIC. Nous avons raté Ben Cerveny, le gourou de Stamen Design, entreprise dont on recommandera sans réserve le blog. Mais les deux autres intervenants avaient de quoi nous faire réfléchir.

Visualiser pour discuter et agir

José Luis de VicenteJosé Luis de Vicente dirige le programme "Visualizar" du Medialab Prado de Madrid, un centre de recherche situé à l'intersection des arts et des technologies. Il tient également un excellent blog (en Espagnol).

La démarche de travail du projet repose sur une méthode originale. Chaque année, un atelier de travail sélectionne 10 idées et les développe pendant 2 semaines au sein d'un groupe de 40 personnes d'origines aussi différentes que possible. Puis certains projets sont poussés jusqu'à des stades plus avancés. Le thème de 2008 est "la ville comme base de données".

A l'origine une méthode destinée à aider les spécialistes à traiter autrement de grands volumes de données, la visualisation est devenue un outil de communication, de production sociale. Ceci a d'abord une valeur en soi, mais cette "conversation" fait aussi émerger des questions nouvelles.

L'atlas de l'espace électromagnétique est ainsi un projet qui associe, sur un premier plan, l'allocation officielle de l'espace des fréquences et sur le second, les interventions artistiques ou militantes qui s'insèrent dans différentes zones de fréquence. Le message est celui d'une réappropriation de l'espace hertzien, considéré come une ressource publique (et menacée).

La visualisation peut également s'utiliser à des fins toutes personnelles. Les réseaux sociaux ou des sites que Twitter, Dopplr (où l'on informe sur ses déplacements) ou Lastfm (musique) "encodent" d'une certaine manière notre relation, nos goûts, notre vie quotidienne, et les rendent analysables par des machines. La visualisation personnelle se propose d'analyser ces informations pour faire retour à la personne et lui proposer de nouvelles interprétations, de nouveaux outils personnels. Mail Garden, imaginé par Kjen Wilkens explore par exemple notre boîte aux lettres pour analyser nos liens avec les autres, décrire l'historique d'une relation avec une personne donnée, etc.

Casas TristesLa visualisation sert enfin de support à la discussion publique dans le projet Casas Tristes ("maisons tristes") rend palpable la bulle immobilière espagnole. La montée des prix de l'immobilier a attiré les investissements tout en repoussant les acheteurs : 3 millions d'habitations resteraient invendues, et autant de personnes vivraient sans logis convenable. Le projet combine plusieurs formes de visualisation : sur Google Maps, chacun peut indiquer l'existence de maisons vides, dire depuis combien de temps elles attendent preneur, etc.. Des petits dessins à base de statistiques réelles comparent le rythme de construction en Espagne et ailleurs, mais cherche aussi des explications, en montrant par exemple combien l'augmentation des prix a rendu l'immobilier inaccessible.

Cascade on WheelsCombien de voitures passent-elles sous votre fenêtre chaque jour ? Le jeune designer Steph Thirion a cherché à le savoir et à le représenter à l'échelle d'un quartier de Madrid, dans un projet nommé Cascade on Wheels. Après avoir, comme d'habitude, échoué à obtenir sous une forme exploitable les données très précises sur les flux automobiles dont dispose la ville, Thirion a rentré ces données à la main, pour en proposer deux représentations originales. La première, en 3D, représente le trafic comme une sorte d'excroissance des rues. La seconde en propose une illustration sonore.

nuage vertMais pour José Luis de Vicente, l'enjeu suivant est d'utiliser la visualisation pour déclencher l'action. Le Nuage Vert, du collectif HeHe (Helen Evans & Heiko Hansen), récemment montré au Carrefour des Possibles et primé à Ars Electronica, symboliserait cette dernière tendance. Testé en grandeur réelle à Helsinki, le projet consiste à colorier la vapeur émise par une centrale électrique d'un halo vert de plus en plus grand, à mesure que la consommation électrique de la ville baisse.




La visualisation transforme-t-elle la connaissance ?

Le Virtual Knowledge Studio d'Amsterdam organisait pendant PICNIC un atelier sur le thème de la visualisation de données. Un blog tente d'en relater le déroulement. L'objectif était d'apprendre à visualiser des connaissances transdisciplinaires, ou encore des enjeux et des dilemmes.

Pour Paul Wouters, le fondateur de l'institut, la visualisation est une affaire de compréhension réciproque. Les données se sont ni le début ni (contrairement à ce qu'affirme par exemple Chris Anderson) la fin de la théorie. Elles sont le résultat de la théorie. L'annotation massive de notre environnement change le paysage, mais pas les questions.

Selon lui, deux questions méritent en revanche d'être posées sur le statut des dispositifs de visualisation fondés sur de grands volumes de données. La connaissance visuelle est-elle un attribut personnel ou la base d'une construction commune ? La visualisation est-elle un simple instrument pour analyser des informations, ou acquiert-elle en propre une valeur de connaissance ? Peut-on par exemple visualiser, non les données, mais ce qu'on a appris de l'interaction avec ces données ?

Réponses, on l'espère, sur le site de l'institut ou dans le compte-rendu de l'atelier, auquel nous n'avons pas pu participer.

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