vendredi 6 juin 2008

UPFing'08 : Administration, entreprises, territoires face au vieillissement

Comment les organisations appréhendent la problématique du vieillissement de leur personnel et de leurs clients ou usagers ? En quoi les technologies peuvent être des solutions pour faire du transfert de connaissance, maintenir des sociabilités ?

L’emploi des seniors dans les entreprises
Nicole Turbé-Suetens, de Distance Expert évoque le projet européen eSangathan sur comment les technologies peuvent jouer un rôle dans le maintien ou le retour des seniors sur le marché du travail. Le projet s’est concentré sur des travailleurs du savoir de plus de 50 ans autour du travail collaboratif. Le projet a travaillé sur le retour à l’emploi dans une région pilote autour d’Öresund entre la Suède et le Danemark, et sur le maintien à l’emploi de Mahindra & Mahindra en Inde, où existait une structure valorisant des experts retraités.

La France à l’un des taux d’emploi des seniors les plus bas de l’Europe : seulement 30 % des 55-64 ans sont en activités aujourd’hui. L’espoir du projet est d’améliorer le confort de travail des seniors actifs et même de les augmenter.

Le pilote d’Öresund a travaillé sur quelques 25 personnes de 55 à 65 ans et nécessitait que les gens acceptent l’idée des technologies et du travail collaboratif. On leur a fait identifier leurs thèmes de travail pour développer des projets personnels pour créer des activités ou rechercher un emploi avec un atout supplémentaire, celui d’avoir été formé aux technologies collaboratives.

Le pilote de Mahindra & Mahindra a recruté 10 retraités experts pour qu’ils continuent à travailler avec tous les secteurs d’activité du groupe.

Faut-il développer des technologies spécifiquement pour les plus âgés ? Tout le projet a démontré que ce n’était pas le cas, que quelques adaptations pouvaient être suffisantes pour le confort du senior.

Pour l’Inde, la démarche est institutionnalisée à l’intérieur du groupe, avec une offre pour les personnels volontaires qui partent à la retraite. Pour le pilote d’Öresund, chaque individu est une identité et le prolongement du projet risque d’être plus aléatoire, même si on reste solidaire avec les participants et que nous allons continuer à les accompagner.

Des TIC dans les services à la personne ?
Dominique Blanc, ERIC, directrice d’Initiatives emplois de la ville de Cannet a présenté le projet Sapiens (Services à la personne, initiatives et engagement numériques solidaires).

Le premier pari du projet était de mêler TIC et insertion, mais il n’est pas facile de croiser les personnes dites en insertion et les TIC. Les TIC peuvent-elles être "hypotechnologiques" ?

Nous avons mis en place une formation pour des personnes qui n’avaient jamais touché des ordinateurs et qui allaient chez des personnes âgées qui n’en avaient jamais vu non plus. Nous nous sommes inscrits dans une pensée des services à la personne qui s'inquiète des manques explicites des personnes âgés qui sont extrêmement morcelés avec tout un ensemble d’intervenants différents. Pour la personne âgé, il était important qu’elle se sente et qu’elle soit en sécurité.

Dominique Blanc tire 3 enseignements de l'expérience :
- Non, la transmission des TIC ne concerne pas que les actifs diplômés et les actifs non diplômés peuvent être des vecteurs d’appropriation sociale des technologies.
- Un lieu d’accueil numérique, comme un ERIC, peut et doit déplacer son action vers les personnes.
- On peut centrer une formation sur le projet et les besoins de la personne âgée et non sur l’outil technologique.

Le maintien à domicile ce n’est pas proposer plus de services, mais mettre en place les conditions qui permettent l’émergence de l’intelligence collective; Les intervenants à domicile doivent pouvoir réparer et faire fonctionner le matériel.

Le contraire de la dépendance, c’est l’autonomie, ce qui nécessite de se reconnaître dans la société proposée, même avec de la technologie partout.

Les défis du 3e et 4e âge pour une collectivité territoriale
Jean-Pierre Quignaux, chargé de l’Innovation sociale et technologique au cabinet de Claudy Lebreton, président du conseil général des Côtes d’Armor.

La problématique des TIC et des personnes âgées ne fait qu’émerger dans les départements. Jusqu’à présent, on en était à des expérimentations sur la sensibilisation des personnes âgées aux nouvelles technologies. Mais les problématiques démographiques sont venus interroger les politiques :on parle de gérontocroissance en Bretagne à l’horizon 2030. Les plus de 60 ans représenteront 40 % de la population, soit le double des moins de 20 ans, avec un doublement des plus de 80 ans sur le département des Côtes d’Armor.

Les différentes structures ont émises des demandes de plateformes communes de plateforme de téléassistance pour porter des projets de télé-assistance, pour développer de la diversification des services proposés aux personnes concernés (dépannage, co-voiturage, etc.) et un besoin de permanences le week-end, la nuit, en dehors des heures d’ouverture commune à toutes les structures. Les structures ont aussi soulignées que la plateforme devait permettre de rassurer les proches et de faire de l’information et de la redirection vers les bonnes personnes. Mais la complémentarité, le renvoi d’information, la prise en charge collective de certaines personnes dans des situations délicates (décès, accident, maltraitance...) sont difficiles à mettre en place.

Pour les conseils généraux, il est difficile d’apporter une réponse homogène sur l’ensemble du territoire, mais il est essentiel de favoriser le maintien à domicile et de lutter contre l’isolement et mener des politiques de prévention.

Un service de téléassistance idéal devrait émettre autant d’appel qu’il en reçoit et devrait être un service de proximité ancré dans la réalité territoriale. Les services tiennent que la téléassistance doit être dans les Côtes d’Armor pour ne pas qu’elle soit pilotés par des gens qui ne connaissent pas la réalité du terrain.

Pour France Télécom, qui a mené une expérience sur le sujet en Côte d’Armor, on remarque également l’importance d’impliquer en amont tous les acteurs et l’entourage des personnes âgés, mais aussi une forte réticence vis à vis des nouvelles technologies (fils de partout, handicaps qui ne facilitent pas le maniement, un pouvoir d’achat limité, et une peur que la technique remplace l’humanité).

Aujourd’hui, tout le monde attend que le Conseil général prenne en charge et craigne qu’il vienne coiffer et chapeauter les projets de chacun. Mais qui doit financer quoi ? Comment assurer une équité dans le financement de ces services ? Encore faut-il que les porteurs de projets et les élus sensibles à ces questions restent en place, ce qui dans le temps n’est pas toujours évident. Le problème, peut-être, c’est qu’on en reste à la concertation, plutôt que de passer à la coproduction. Rien dans nos études n’a enquêté sur des tas concrets de familles en difficulté, plus proche du besoin, de l’utilisateur, mais s’est intéressé uniquement aux structures institutionnelles d’aides. Les aides-ménagères n’ont pas fait parti du groupe de travail, mais les patrons des structures. Or, dans beaucoup de domaines, les solutions innovantes sont sur le terrain. Dommage que l’administration et le politique n’aient pas les méthodologies pour alimenter ces projets des réponses très concrètes du terrain. Il faut travailler sur la méthodologie, pour partir des savoirs de terrains, des pratiques concrètes... pour les réinventer. Mais ce n’est pas en partant de la technologie comme princeps, qu’on va réussir à convaincre.

Et demain ? L’impact des NBIC sur la vie des seniors
Jean-Michel Cornu, directeur scientifique de la Fing : comment les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et la cognition vont transformer la vie des seniors ?

Demain nous pourrons ne plus être malade, ne plus être vieux et voir même ne plus mourir. Tous les chiffres que nous avons donné hier pourraient tous être faux, s'amuse Jean-Michel Cornu.
La vieillesse est-elle finit grâce aux technologies de réparation ? Exosquelettes, cellules souches IPS (montrent qu’on peut redonner de la jeunesse à des cellules normales pour qu’elles refabriquent des cellules), médicaments vectorisés (un médicament qui cible parfaitement un problème), nano-robots (pour nous réparer, comme le pensent les post-humanismes). Reste que ces perspectives sont encore lointaines.

On pensait jusqu'à récemment que le nombre de neurones allaient décroissant. Mais on a trouvé qu’on avait une "neurogénèse" dans le bulbe olfactif et dans l’hypocampe (qui ç trait à la mémoire). Les gens qui font travailler leur mémoire, créent des connexions et des neurones. Le marketing s’en est déjà emparé bien sûr avec les jeux types "cerebral academy"...

Nous sommes les experts de notre vie quotidienne. Les seniors, parce qu’ils connaissent les difficultés dans leur vie quotidienne, ne peuvent-ils pas nous aider à mieux comprendre les situations où l’on voit moins bien, ou l’on se déplace moins bien...

L’expertise des seniors ne repose pas seulement sur leurs handicaps ! N’auraient-ils pas aussi des choses qui seraient mieux, des savoirs ou des capacités que les plus jeunes n’auraient pas ?

Cf. le prochain billet de Rémi Sussan à paraître sur InternetActu.net. ;-)

Les jeunes sont rapides, ont plus d’attention, mais voient moins ce qui n’est pas attendu. Les seniors sont plus lents, absorbent plus d’information ce qui est la base de la créativité et de l’innovation. Et si les innovateurs de demain étaient les seniors ?

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