Geneviève Laroque, présidente de la fondation nationale de gérontologie (FNG).
Nous autres modernes, nous savons que nous voyons plus loin, parce que nous sommes juchés sur les épaules des anciens. Les jeunes générations en savent plus que les générations qui les ont précédés, car c’est sur les connaissances précédentes qu’ils construisent les leurs, y compris lorsqu’elles semblent révolutionnaires.
On a beaucoup parlé de seniors, mais de quoi parle-t-on ? Si on part de 50 ans, nous sommes proches de la moitié de la vie. Il y a autant de différence entre 50 et 80 qu’entre 30 et 50. On parle de gens très différents en fait.
Il est important de souligner l’évolutivité de l’avance en âge. On change entre 50 et 80 et tout le long du vieillissement. Mais en même temps, on constate une étrangeté respective des générations les unes en face des autres. Nous sommes dans une propension naturelle à nous rallier aux "générations du milieu". On a tendance à gérer tout le monde par rapport à elle, comme si être cet être moyen (un homme de 35 à 40 ans, CSP +, 1,75 m....) était la "norme". Or, il est devenu de plus en plus minoritaire... Nous avons travaillé pendant 2 jours sur une société pour tous qui existe peu dans nos représentations.
Si nous avons bien travaillé, c’est parce que nous avons un peu vieillit en se rendant compte qu’on pouvait apprendre des plus vieux, et un peu grandit car on s’est rendu compte qu’on pouvait apprendre des plus jeunes.
Ne confondons pas vieillissement et maladie, les affaiblissements légers de l’avancée en âge et la maladie. On a enfin beaucoup entendu un fantasme d’immortalité, qu’on a beaucoup combattu, car on a oublié le fantasme de Titon, un humain qui a épousé une déesse, qui a vieillit sans mourir, alors que sa compagne ne vieillissait pas.
Les TIC sont-ils une obligation ou un désir, à un "certain âge" ? A-t-on envie d’utiliser des techniques nouvelles ou veut-on rester sur les techniques nouvelles de quand on était un jeune adulte ? On digère bien les techniques nouvelles qui étaient les nôtres, mais on a du mal à appréhender les techniques qui surviennent lorsqu’on est un vieillissant en cours de sénescence. La pression sociale nous oblige-t-elle ? Se les approprie-t-on vraiment ou reste-t-on dans un "plaqué qui se décolle" ? Ou est-ce qu’on s’approprie et qu’on constate que cela nous sert et qu’on en a envie ?
Ne tranchons pas, mais pour que ce soit vraiment approprié, faut-il spécifier des adaptations des techniques pour une génération ou pas ? Le "design for all" n’exclut aucune population. "La facilitation d’usage la plus grande" est à contre-courant de tout ce qu’on voit autour de nous. Voilà quelque chose d’intéressant qui correspond aux deux utilités des TIC : répondre à la curiosité du petit d’homme que l’on conserve jusqu’à sa mort et répondre à la loi du moindre effort, c’est-à-dire la recherche du meilleur chemin pour aller d’un point à un autre, qui n’est pas toujours la ligne droite. Peut-être qu’avec ces deux règles, on arrivera à mieux intéresser les plus âgés aux technologies.
L’expérience est une lanterne attaché dans le dos qui éclaire le chemin parcouru dit un proverbe chinois. Si les vieux doivent transmettre, qu’est-ce que les jeunes vont nous apporter ? Nous devons nous donner réciproquement. C'est le seul moyen de ranimer l’affectif de nos échanges. Ne pas désécher la technique et la technologie sans assécher le lait de la tendresse humaine.
Philippe Lemoine, président de Laser et de la Fing
Par rapport à ce que fait la Fing, l’équilibre entre la technologie et la société n’est pas le même que d’habitude dans ce programme. Dans plus longue la vie, la technologie n’est pas explicitement là.
On a une entrée plus large que celle des sciences sociales pour baliser notre sujet.
Dans l’origine du programme, il y a une grande idée, comme celle de refuser les angles fermés comme habitat et santé : il faut stimuler l’ouverture. On a refusé "Vivre autonome chez soi jusqu’à..." : quel âge ?
Plus longue la vie suppose qu’il y a une valeur au temps, à la longueur de la vie. Sinon, nous admettrions tous qu’il n’y a rien de mieux que le + : "travailler plus pour gagner plus"...
Dans les sciences sociales, il y a une notion peut-être plus robuste que d’autre : celle des âges de la vie, par rapport notamment à la génération, ce qui sépare l’âge de la vie d’un père de celle de son fils. Mais cela ne colle plus tellement, tant et si bien que cela à pris un sens d’expérience historique, comme la génération 68. La génération X est celle qui n’a pas d’expérience historique particulière. On parlait aussi de classe d’âge, mais pourquoi 10 ans d’espace d’âge serait-il plus pertinent que d’autres. La segmentation de la vie d’un d’un jeu est de 2 à 3 ans seulement. Les âges de la vie me paraissent plus solides. Sophocle décrit 3 grands âges. Depuis plusieurs dizaines d’années, est apparu le 4e âge. Le terme de senior est un terme de transition entre le raisonnement entre 3 ou 4 grands âges.
Un autre terme me semble important, celui de "conflit de génération". Le transgénérationnel, le lien intergénérationnel nait du conflit. Quand on me désigne comme un senior, je trouve cela assez agressif. Mais c’est la réplique de notre propre agressivité de babyboomers. Une génération nombreuse qui a reforgé la jeunesse autour d’elle. Pour les babyboomers, les jeunes c’est tellement eux que qu’est-ce que les autres apportent ? La génération Y, des moins de 25 ans, des digital natives, que les démographes américains appellent "echoers", ceux qui font échos à la génération des babyboomers. Un moyen de se reprojeter, d’une manière un peu scandaleuse, dans les plus jeunes. Du conflit de génération, il y en a de très aigus, et c’est peut-être aussi comme cela aussi qu’il faut lire l’apport que souhaite faire la Fing à ce programme, par rapport à ma génération.
On accorde de plus en plus d’importance dans la famille aux liens entre les âges différents car les fratries se réduisent. On préfère s’enfermer dans nos problèmes oedipiens que dans la transversalité. Mais il y a des questions de fonds : on côtoie Big Brother partout. La question du pouvoir est central. Il y a une acceptabilité sur le pouvoir sur les plus faibles (petits enfants, handicapés, personnes âgés), dans nos sociétés de contrôle. De même, la différence homme-femme est certainement centrale. On n’a pas la même écoute entre hommes et femmes. Dans les fratries, il est rare que les frères se mobilisent autant que les soeurs dans les problèmes avec les enfants. S’il y avait un sens fort à donner à ce programme, c’est de se poser la question de l’homme et de la femme. On parle de la féminisation tâches des hommes dans leur rapport aux enfants, mais pas encore dans le rapport aux personnes âgés.
Une dame : il faut renverser la dynamique. Ce n’est pas comment les jeunes vont aider les vieux, mais comment les vieux vont aider les jeunes dont il faut parler. Comment on va arriver dans ce siècle qui s’annonce violent, à inverser la tendance. Besoin de simplicité : passer de réussir dans la vie à réussir sa vie.
Une autre dame de l’association Old Up : tous les vieux ne sont pas grabataires... Le vieillissement c’est la vie, la maladie, c’est autre chose.
Lemoine. Je ne veux surtout pas catégorisé quiconque. Mais je suis surpris de voir tout le monde aussi gentil. Autant le respect est une chose, mais la société est d’abord et avant tout violente. Et il ne faut pas l’oublier.
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