jeudi 5 juin 2008

UPFing'08 : Vers un nouvel âge social

Pour Carole-Anne Rivière, Directrice du programme "Plus longue la vie", la question est de savoir, qu'est-ce que la vieillesse aujourd'hui en prenant 4 focales distinctes. Un point de vue sociétal : qu'est-ce que l'individualisation de la vie et comment les trajectoires individuelles nous émancipent des modèles traditionnels. Un point de vue autour du vécu de l'individu : comment prend-t-on conscience d'être vieux ? Quels sont les indicateurs de cette prise de conscience ? Un point de vue sur la vie quotidienne des personnes âgées : que fait-on et que ne fait-on plus quand on vieillit ? Un point de vue sur les représentations : comment les seniors se "reconstruisent" dans la perspective du lien intergénérationnel ?

Des générations de seniors
Jean-Yves Ruaux, rédacteur en chef de Seniorscopie s'intéresse aux différentes génération de seniors et leur approche de la famille, de l'Amour, du bien être, de l’héritage, de l’autonomie, de la quête de l’accomplissement personnel... "A partir de 50 ans, tout continue !", s’enthousiame Jean-Yves Ruaux qui distingue 3 générations de seniors pour montrer que le concept de seniors est une entité glissante : celle de Royal/Sarkozy (les babyboomers), celle de la guerre d’Algérie (Alain Delon) et celle de Line Renaud ou Michèle Morgan, résume-t-il d’images parlantes. Pour toutes ses générations, les questions et les réponses sont différentes.

L'approche "spirituel" du babyboom est certainement la clé de ses comportements d'aujourd'hui et de demain. "On veut être l'oeuvre de soi, l'auteur de sa vie". A 51 ans, on a de l'argent disponible car bien souvent on a remboursé ses crédits. On a de nouvelles perspectives de consommation qui s’ouvrent dés lors, par exemple, avec le fait que les seniors investissent de nouveaux territoires d’habitats qui créent des discrimination géographiques selon les âges et l'argent. Comme sur les côtes françaises où en vue de mer, n’habitent que les vieux et à vingt kilomètres dans les terres, les gens qui travaillent. Pour autant, modère-t-il, les comportements ne se bouleversent pas forcément : "on ne s'engage pas plus dans l'associatif si on ne l'a pas été avant la retraite".

La grand-parentalité, n'est plus celle de Victor Hugo et de l'Art d'être grand-père, car les petits-enfants entrent en concurrence avec toutes les autres activités... "L'héritage" aussi a changé : car il faut financer la dépendance et la santé au grand-âge.

En ce qui concerne l’internet, les boomers n'ont pas décroché : 1/4 des internautes français ont plus de 50 ans. 2/5 des plus de 50 sont internautes, et surtout les 50-65 ans. Ils y passent souvent plus de temps que les cadets, sont mieux connectés, ont plus de matériels (car plus de moyens). Ils dépassent même l'appréhension de l'achat en ligne. On se met à l'internet pour la correspondance et le lien avec les petits enfants, et on y reste pour tous les autres services (météo, petites, annonces, achat en ligne...).

"Cette génération du babyboom porte-t-elle une valeur sur le refus du vieillissement ?", demande Carole-Anne Rivière. Le refus du vieillissement n’est pas particulier au babyboom, explique Jean-Yves Ruaux. Quelque soit l’âge pour rester au pouvoir, pour rester séduisant, on fait plus crédit à quelqu’un en bonne santé que le contraire. La culture du "jeunissme" est proche à toute la population. La lectrice ne se projette pas dans quelqu’un de son âge : dans les magazines, toutes les représentations de personnes ont vingt ans de moins que les lecteurs cibles

"La génération baby-boom, 1946-1956, porte des valeurs sur l’individualisation de la société. Ouvre-t-elle de nouveaux modes de vies qui seront adoptés par les suivantes ? Est-ce un point de changement ?", demande encore Carole-Anne. On vieillira pas de la même manière, comme l’explique très bien Jean-François Sirinelli dans les babyboomers, montrant les acquis qu’établit cette génération pour les suivantes, conclut Jean-Yves Ruaux.

Les facteurs de l’adaptation chez l’adulte âgé
Daniel Alaphilippe, professeur en psychologie à l'université de Tours, présente une étude longitudinale autour de l’estime de soi et du stress dans l’avancée en âge.

L'accroissement de la population âgée a des effets considérables, notamment dans le domaine de la recherche avec des nouveaux champs d'études et l'émergence de nouvelles disciplines comme la psycho-gérontologie.

On assiste à un changement "copernicien" : le vieillissement, qui était vécu comme une régression naturelle se terminant par la mort est désormais considéré comme une étape spécifique du développement de la personne. Dit autrement, la vieillesse est un développement, pas une régression.

Quels sont les facteurs d'un vieillissement réussi ?, s’interroge Daniel Alaphilippe. La réponse a été de faire une étude longitudinale sur la question, c’est-à-dire suivre une cohorte de personnes dans la durée, dans leur vieillissement. La vie est un ensemble d'évènements : retraite, pathologies, naissance des petits-enfants... face auxquels la personne âgée va mettre en place des processus adaptatifs, qui vont présenter des résultats plus ou moins réussis.

C'est "l'estime de soi" qui est le principal facteur des processus d'adaptation, avec "l'internalité"qui l’accompagne (c'est moi qui décide pour moi). Pour le psychogérontologue, il faut faire que les gens vieillissent le mieux possible en agissant sur les facteurs, et notamment sur l’estime de soi (image, comparaison à autrui...)... On sait qu’on peut agir sur l’estime de soi en proposant des activités qui permettent aux personnes âgées de retrouver des possibilités d’apprentissages fabuleuses.

Vieillir au quotidien
Sophie Schmitt, directrice associée du cabinet Séniosphère, société de conseil en marketing pour développer des produits ou des services au plus de 50 ans. On regarde les usages des âgés pour mieux comprendre leurs besoins. Même si on est en bonne santé, le vieillissement à des effets :on contourne les difficultés, on les nie souvent, mais on les constate. Le vieillissement est inéluctable, irréversible : ce n’est pas une maladie, mais un phénomène multidimensionnel qui touche toutes les fonctions du corps. C’est une dimension cumulative : les problèmes physiques ont des effets sur le cognitif ou le psychique.

On ressent les effets du vieillissement autour de la cinquantaine, avec des signaux souvent fiables, souvent hétérogènes, mais qui s’installent progressivement. D’une petite douleur au genou onva évoluer vers des difficulté à se déplacer, à faire de la course puis à 70 à ne plus pouvoir faire ses courses.

On travaille sur 3 dimensions du vieillissement le physique, le psycho et le cognitif. Le physique c’est l’altération globale des capacités qui touche la vue ou l’ouïe (et donc la relation avec les autres), la musculation et l’articulation (qui touche l’autonomie), le touche, le goût et l’odorat (qui altère le plaisir). En s’accentuant, ces altérations modifient la perception du quotidien.

A 50 ans, la moitié de la population à la presbytie : on voit moins bien de près. Dans la salle de bain, on ne porte pas ses lunettes, on a du mal à se raser, à se maquiller, on voit moins bien les prix des produits dans les magasins... L’angle de vue se rétrécit. 50 % des accidents des personnes de plus de 70 ans ont lieu à des carrefours. On a besoin de plus de contraste de lumière pour voir : On voit les couleurs différemment quand on vieilli : les couleurs jaunisses, sont moins intenses, le bleu change, et avec la cataracte on perd de la netteté. Dans un supermarché, on a du mal à voir la signalisation (la signalisation en hauteur, dans des couleurs pas adaptées : d’où l’importance par exemple des signalétiques verticales dans les supermarchés.

Au niveau de l’ouïe, on entend moins bien. On distingue moins les aigüs, on perd l’audition et on entend des bruits de fonds. On entend plus le glouglou de l’eau qui coule de la même manière. On n’entend plus le clic d’un crayon qu’on ferme.
Au niveau musculaire : diminution de la force maximale, de l’endurance et une diminution qui frappe plus les membres inférieurs que le reste. On réoriente alors ses courses : on y va plus souvent, on essaye d’aller moins loin. On a un vieillissement au niveau des articulation : l’arthrite et l’arthrose (inflammation douloureuse et raidissement articulaire).

Le vieillissement physique montre qu’on a des besoins fonctionnels grandissants. Il faut prendre en compte aussi les altérations psychique et cognitives, mais aussi physique. L’environnement est alors perçu tout à fait différemment. Les consommatrices ne perçoivent plus le parfum d’un produit de la même manière, alors qu’il n’a pas changé. La dernière difficulté est dans la grande diversité des situations.

Les représentatios de la vieillesse
Il est très important de parler de sociétés rajeunissantes, explique Gisèle Bessac, fondatrice des Maisons ouvertes. La longévité touche tous les âges : nos perspectives de vie, quelque soit notre âge, s’en trouvent transformées. Ce temps nous amène à nous poser des questions sur la vie, la mort et l’existence. Quel regard porte-t-on sur les différents d’âges de la vie ? Dans les clichés, l’enfance et l’adolescence portent des espoirs. L’âge adulte porte l’accomplissement personnel, affectif, professionnel. La retraite est après ! Mais ces clichés ne sont que ce qu’ils sont : des clichés, des fantasmes, des représentations.

Chacun doit porter ses propres valeurs, avec son environnement, ses relations... Sur le sens qu’on veut donner à son existence. Dans cette situation de longévité, il faut penser la place de pouvoir vivre selon ses valeurs jusqu’à la conscience de notre finitude. Faire le deuil de ce qu’on ne pourra pas accomplir, tout en gardant une faculté d’adaptation, d’être en relation avec soi-même et les autres, dans ce principe de réalité. Or, la peur de la mort, du handicap ou de la démence risque d’amener des contextes de vie qui ne correspondent plus aux choix personnels.La Maison Ouverte, qui n'a pas vocation à soigner les maladies ou la dépression du grand âge, propose des activités adaptées (physiques et créatives) et se présente comme un lieu d'écoute et d'échanges. A l'opposé du guichet médico-social, cet espace d'accueil et de ressource pour la vieillesse s'inscrit dans une démarche de grande prévention.

En ancrant localement, dans le quartier, des espaces de vie pour développer du bien être, apporter de la créativité pour aborder les problèmes des individus en question sur eux-même, par rapport à l’âge. Besoin de créativité dans les projets sociaux.

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