mardi 6 mai 2008

Colloque web participatif : comment les sites d'information accueillent-ils les apports "amateurs" ?

Le colloque "Web participatif : mutation de la communication ?" organisé les 6 et 7 mai à Québec par l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et le Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), fait le point d'une série de recherches sur les dimensions sociales, économiques, politiques, éthiques du web participatif. Internet Actu Live rendra compte de certaines des interventions.

Nathalie Pignard-Cheynel, de l'Université Stendhal Grenoble 3, présentait un travail réalisé avec Arnaud Noblet intitulé "L’encadrement des contributions « amateurs » au sein des sites d’information : entre impératifs participatifs et exigences journalistiques".

L'étude a observé comment les interventions amateures étaient encadrées journalistiquement sur cinq sites français : Le Monde, Libération, le Figaro, Rue89, lepost.fr (filiale du Monde).

Elle partait de premiers constats, d'une montée de la participation, mais d'une faible prise en compte par les journalistes. Les sites d'information peuvent donc de moins en moins occulter l'"impératif participatif". Cette dimension se développe de plus en plus, soit en lien avec des titres existants (Le Monde, Libération), soit sur des sites spécialisés.

L'hypothèse de l'étude est que la participation se situe entre deux pôles, où elle est soit juxtaposée aux contenus journalistiques (donc à part), soit intégrée à l'activité journalistique (coproduction, cocréation).

On distingue trois principales formes de participation :
  • Participation-réaction : se situe en aval de la chaine de production, sous forme de commentaires ou forums. C'est la participation la plus fréquente. Sa modération se fait avant tout sur des critères juridiques, et son exploitation éditoriale est presque nulle (la gestion est même souvent externalisée, par exemple auprès de l'entreprise Consiglio)
  • Participation-suggestion : se situe en amont de la chaine, s'incarne davantage dans les chats. Cette forme est peu développée sauf sur les sites pure players.
  • Participation-contribution de contenus à part entière, sous forme de blogs, tribunes et témoignages, qui est de fait plutôt réservée à des "experts".

En ce qui concerne le lien avec l'offre journalistique :
  • Le participatif juxtaposé se trouve surtout sur des sites de médias traditionnels, sous la forme d'un espace de participation assez nettement séparé de l'espace de la rédaction – le look est même souvent différent. L'encadrement journalistique est très limité.
  • Le participatif intégré est la marque de Rue89. Rue89 s'organise autour de la coproduction de contenus, sur le site les auteurs professionnels et amateurs sont présentés de la même manière. Il existe une conférence de rédaction hebdomadaire par chat. La participation est un apport qui vient enrichir la parole journalistique, mais aussi la relégitimer. La participation amateure est également valorisée dans la production journalistique (exemple : "information signalée par…" ; Rue89 ne reçoit pas le fil AFP, "notre fil AFP ce sont les internautes"). Il y a aussi des appels à réaction, mais aussi à rectification.
    Mais l'encadrement journalistique est très fort, en amont (qualité), mais aussi en aval (les journalistes modèrent les commentaires de leurs propres articles et répondent ; ils sélectionnent aussi les meilleurs commentaires dans une rubrique "Vos réactions").
  • Les formules hybrides font émerger deux logiques : le participatif semi-intégré (juxtaposition et intégration sont mêlés au sein du même site principal, ce qui crée des tensions) ou externalisé sur un site dédié qui peut être très expérimental (ex. Le Monde/lepost)

Pour conclure, il faut peut-être redéfinir l'impératif participatif et l'examiner à un autre niveau, économique autant que journalistique. Les logiques journalistiques s'estompent souvent derrière les logiques marketing qui incitent à maximiser le trafic en ouvrant toutes les portes à la participation. Ou bien on eut en arriver à survaloriser la parole de l'internaute, avec des contenus journalistiques dictés par une logique d'audience. Certains articles de Rue89 ont ainsi été modifiés après des premières réactions très négatives. On aurait alors un risque d'audimat de l'écrit, avec un double biais : il interviendrait a priori, et se fonderait sur le seul petit % de ceux qui commentent et participent.

Sur Rue89, 15-20 personnes commentent et écrivent très régulièrement, une centaine assez régulièrement. Avec ceux-là s'établit une relation, aidée par la conférence de rédaction. Le site veut le développer, avec une dimension plus communautaire et de réseaux social. Mais ça reste à la marge. D'autant que parmi les gros contributeurs, une majorité de situe dans l'antichambre du journalisme professionnel (cf; travail d'Emmanuel Parody). Il y a même parfois une professionnalisation des amateurs, qui sont rémunérés (cf. lepost, même si c'est encore neuf en France).

1 commentaire:

jb ingold a dit…

Est-il possible d'avoir la communication en entier?

Il est dommage de ne pas avoir étudié 20minutes.fr qui mixe sur sa page d'accueil les paroles amateurs (blog/chat) avec contenu pro.