Philippe Rigault du Centre d'études sur l'actuel et le contemporain s'intéresse au jeu des masques et notamment aux sous-cultures, dark, gothiques, SM....
1- Planter le décor
Autour de l'internet se joue peut-être une véritable révolution ontologique, explique-t-il. Pour Merleau Ponti, "le corps est le pivot de notre être au monde", or l'"être au monde" avec l'internet se déconnecte du corps. Dans l'imaginaire de la technologie il y a une relative indifférenciation entre informatique, bio et génétique, nanos... autour de la dématérialisation, d'une ouverture du champs des possible - et cette confusion participe de cette révolution ontologique.
La science-fiction qui se développe, les ouvrages de vulgarisation scientifique, nous habituent à ce fantasme. Et cela nous aide à aborder l'identité numérique de manière neuve, avec une disposition à l'immatérialité.
Dans la réalité, les Techniques de la vie quotidienne (TVQ) nous habituent également à cette révolution. Pouvoir télécharger en quelques minutes plusieurs heures de musique, modifie les grands repères ontologiques liés à la présence physique, au temps... Olivier Le Goff a par exemple travaillé ce qui se jouait au travers de la dématérialisation qu'apportent les TVQ. Autre facteur de changement, la thématique de l'amélioration de l'humain et du lien avec la machine. Lebreton annonce ainsi un "adieu au corps".
Il y a donc un premier paradigme ontologique, "métamorphique". La métamorphose du corps entraîne celle de l'identité. L'autre est orwellien, la peur du flicage. Les TIC sont un univers où tout est possible sur le plan identitaire, mais où tout serait également surveillé.
Par ailleurs l'internet est un "dispositif" (au sens d'Agamben), dont l'individu qui souhaite l'utiliser doit se couler dans le mécanisme. Mais à l'inverse, il libère l'expression et l'autonomie.
2- Généralisation du jeu des reformulations identitaires
On a le sentiment que l'internet autorise ce qui ne l'était pas : mentir, se présenter sous un autre jour, se reconstituer une identité. C'est une rupture. Avant on se présentait aussi clairement que possible tout en conservant certaines choses par devers-soi, dans l'espace de "l'intimité". La télé de l'intimité, la "pipolisation" ont précédé l'internet et préparé les changements en cours, tout en produisant les mêmes interrogations qu'aujourd'hui.
Mais crée-t-on de véritables identités nouvelles, ou ne fait-on que jouer avec des identités dont nous étions déjà porteurs ? Marcel Proust nous comparait déjà à un "mille-feuilles", nous imaginant puisant dans nos différentes identités en fonction des circonstances de la vie. Reste qu'avec l'internet, on peut désormais les faire exister en parallèle.
Ou bien, est-ce que ces « identités fractales », ces jeux d'identité seraient-ils contraires au processus même de construction de son identité ? Ne risque-t-on pas des troubles identitaires ?
Il n'est pas nécessaire d'être pessimiste, explique Philippe Rigaut. car l'identité n'est plus saisie dans une perspective unique : les utilisateurs de Facebook sont formés au jeu identitaires. L'individu est décomplexé par rapport à ces jeux, sans avoir à redouter des dérives pathologiques.
Il y a plein de manière de faire vivre son identité en ligne, comme une jeune fille, tenant son blog dans une démarche dès le départ volontairement thérapeutique. En créant son site web, Licanthe, graphiste gothique, s'est posé la question de savoir s'il le créait sous son pseudonyme ou sous son vrai nom - donc, où était le lieu de son travail ? Alexandre Buffalo, un personnage SM qui se créé une identité pour l'internet est-il l'Alexandre Buffalo du net ou le personnage SM d'une certaine réalité ?
Pour Philppe Rigaut, ces exemples posent la question d'où sont les lieux de culture. Les récepteurs de culture deviennent des contributeurs, des gens qui vont modifier les contours de cette culture. Dès lors que chaque récepteur constitue une liste de liens et qu'on donne sa vision personnelle de l'univers qui nous intéresse (ici celui de la culture gothique), les contours de cet univers changent - et deviennent structurellement fluctuants. Le public trace des contours fluctuants car chaque recpteur devient un commentateur autorisé. Sur l'internet, on a des participations actives !
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